
Coquine canicule 1
22 avril 2010Tout part d'une goutte de sueur…
Juillet 2003, la France vit les volets fermés.
Elle est en seconde année de DEUG, elle doit réviser pour le rattrapage de septembre. Il a obtenu brillamment sa maîtrise, il a du temps. Mon fils va aider votre fille à réviser, à proposé le voisin du bout de la rue. C'est comme ça dans les villages. On s'entraide. On vide les boîtes aux lettres pendant les vacances, on prête sa tondeuse, on surveille les enfants qui jouent dans la rue.
Il est venu un peu à contre coeur. La petite morveuse d'à côté, il n'avait pas envie… Ils ne s'étaient pas revu depuis son bac, il y a deux ans, et il garde en mémoire l'image d'une fille intelligente mais complexée et granulée d'acné. Il fait si chaud, traverser la rue lui demande un effort considérable. Il arrive abattu de chaleur, écrasé par la lourdeur de l'air, moite et démotivé.
Elle sort toute pimpante d'une douche à peine tiède "mais rafraîchissante quand même", elle a mûri, s'est affinée. Elle a changé de coupe de cheveux, porte un corsaire blanc et un débardeur en coton rouge et semble très à l'aise. Elle lui offre un rafraîchissement, valse gracieusement entre les placards de la cuisine et rit de son impossibilité à maîtriser les calculs électoraux. "Ppfffff au droit constitutionnel!" s'exclame-t-elle.
Ses cheveux à lui sont un peu long. Il écarte régulièrement ses mèches sombres en soufflant vers le haut, ou bien en passant ses doigts vers l'arrière et en haussant un sourcil inconsciemment.
Ils s'installent sur le canapé, près de la fenêtre sur rue, la seule aux volets ouverts car donnant sur l'ombre. La chaleur transperce les murs et les assomme malgré eux. Ils luttent pour se concentrer, il lui fait faire des divisions à la main. "Souviens-toi que tu n'auras pas droit à la calculette pendant l'examen". Elle s'applique, fait ses calculs en récitant quelques textes et se mordille les lèvres. Il trouve ça émouvant. Petit à petit il tombe sous le charme de ses yeux noisettes agrémentés de paillettes, de ses lèvres fines et allongées, de ses bras nus dorés par les quelques minutes quotidiennes passées dehors, "pour acheter le pain ou un truc dans le genre, mais pas plus. Pff, quelle chaleur"… Elle dit beaucoup "pfff", "mince" et "crétin", ("le correcteur est un crétin"), elle a un petit côté brut de pomme pas déplaisant tout en restant très féminine.
Une goutte de sueur perle de ses sourcils et glisse sur sa peau, hésite aux alentours des commissures de ses lèvres et continue à descendre le long de son cou, se perd dans le triangle où est également nichée une petite perle noire retenue par une chaîne en or, et continue à descendre jusque dans son décolleté. Sans hâte aucune, sans se presser. Il fait si chaud…
Il regarde la goutte, le chemin qu'elle prend sur sa peau moite et il ressent le désir brutal et soudain de se pencher et de lécher cette eau salée, lentement, de bas en haut, du décolleté jusqu'aux sourcils en passant par le triangle, le cou, la commissure délicieuse de ses lèvres… C'est un désir soudain et subi, c'est une envie intense et inattendue.
Elle repart à la cuisine pour faire le plein d'eau fraîche. Elle marche sereinement pied nu dans la pénombre, il entend la porte du frigo et le tintement de bouteilles. Il en profite pour lui envoyer un SMS. "Tu danses dans les chiffres et le droit, j'ai envie de t'embrasser, tu es belle".
Elle revient. Les ressert en eau. Elle s'assoit dans le canapé en cuir noir et prend une longue gorgée en soupirant, en gardant le verre glacé contre la joue. Finalement elle le repose et bascule la tête en arrière sur le dossier en cuir. Elle est songeuse, elle continue à se mordiller les lèvres. A regarder le voisin en coin. Il est grand, noueux. Il a des yeux noirs profonds, la voix grave, le teint hâlé et des cheveux en désordre. Elle a envie de passer sa main dedans pour y mettre de l'ordre, un jour elle a été amoureuse de lui, très amoureuse, à en pleurer la nuit. Longtemps. Si longtemps.
Aujourd'hui, elle ne sait pas. Aujourd'hui elle a vécu d'autres choses, rencontré d'autres garçons… Mais il fait si chaud, elle sent une langueur l'envahir, un désir dans le regard de l'autre aussi qui la trouble et l'envahit…
Son téléphone vibre. Elle a reçu un SMS.
(La suite demain… bonne nuit les galopins ;) )
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