Archive for mars 2011

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Extraits de femmes

29 mars 2011

Une porte, deux femmes. Une dehors, une dedans, et entre les deux une enfant. Elle est assise par terre, les cheveux dans les yeux, de ses doigts maladroits elle refait ses lacets. C'est un événement pour elle, à cinq ans elle est indépendante et se chausse et se déchausse à volonté. La femme de dehors attend en frissonnant. Elle appelle sa fille une ou deux fois, doucement, fermement. Elle est garée en double file devant le pavillon, elle aimerait libérer rapidement la rue, se retrouver dans la chaleur de son foyer avec sa fille sur ses genoux qui lui racontera son weekend. La femme de dedans s'impatiente. Elle a ses propres enfants, elle aimerait que cela aille plus vite. Que la fille de son mari libère les lieux après son weekend sur deux, qu'elle retrouve sa mère de l'autre côté de la porte entrouverte, une femme maigre qu'elle ne voit pas mais dont elle entend la voix douce, ce qui est déjà trop. La fille se dépêche, se bat avec ses lacets, rate recommence, sent les larmes qui vont bientôt monter jusqu'à ses yeux. Enfin son père arrive. Il s'agenouille calmement, refait ses lacets, monte la fermeture de son manteau. Il lui tend son sac, la serre longuement dans ses bras et la laisse aller. L'enfant se faufile de l'autre côté, rejoint sa mère, sans que la porte ne laisse les deux mondes s'entrapercevoir. Il faut que tout reste à sa place, en ordre. Elle monte dans la voiture de sa mère, ferme les yeux. Le moteur démarre, elles sont parties. La porte est claquée sèchement en attendant les 15 prochains jours.

* * *

Marine est étendue sur le carrelage, la peau contre la fraicheur de la tommette rouge orangée. Les bras en croix, les jambes écartées. Elle a passé une main sous ses cheveux d'ébène qui flottent autour d'elle, des gouttes de sueur perlent sur sa peau sombre, glissent le long de son corps pour se perdre sur les carreaux. Il va falloir que Marine se lève, reprenne son balais et justifie le salaire que lui versent les propriétaires de cette maison. Mais il fait si chaud aujourd'hui… Marine reste encore un peu encore collée au sol, s'imaginant grain de poussière invisible.

* * *

Elle a le permis mais c'est lui qui conduit. La voiture continue malgré sa volonté, elle est passagère privée de ses droits, subissant le défilement de paysages et de routes. Leur rue calme bordée de pavillons clonés aux haies de lauriers impeccablement taillées, les villes de banlieues entassées autour de la capitales, essoufflées de moyens, décorées de géraniums et de pensées roses fuchsia. S'ensuit l'autoroute sous un ciel gris dont le reflet s'accorde au bitume. Elle est assise, elle serre les dents. Derrière elle, ses enfants sont correctement harnachés, les yeux vissés sur leurs consoles de jeux, leurs esprits passifs et silencieux. A côté d'elle, il conduit. Son énervement n'a duré qu'un temps, le temps de la rébellion de sa femme, le ton est monté jusqu'à ce qu'elle plie, qu'elle cède. C'est quand même plus simple comme ça, quand elle se tait, baisse les yeux, lorsqu'elle lui épargne ses envies contraires. Il y a des choses qui se font et des choses qui ne se font pas, et de quoi aurait-il eu l'air, vraiment, en arrivant chez ses parents sans elle pour le traditionnel repas du dimanche. Sa femme est belle, avenante et douce, il aime l'avoir à son bras, il aime quand elle reste à sa place, légèrement en retrait, légèrement derrière lui. Il conduit avec assurance, sa voiture file. Tout est bien. A côté de lui, elle regarde par la fenêtre, le visage lisse, les lèvres closes. Elle regarde par la fenêtre, elle s'échappe dans un ailleurs où elle est libre et où elle ose ses avis et ses choix. Elle serre les poings, ses ongles plantés dans ses paumes, retenant ce hurlement silencieux qui résonne en elle depuis des années.

* * *

Aurélie est debout depuis si longtemps qu'elle ne sait plus… elle ne sait plus rien. Elle vacille, s'allonge sur le canapé. La fatigue sans doute de cette année en plus, ou bien encore des verres enchaînés au fil de la journée. Elle a trinqué avec le concierge avant de partir, le cafetier, puis la standardiste en arrivant. Puis ses collègues de travail, son patron, sa secrétaire, sa rivale exubérante de ses 2 kilos de moins qu'elle, et l'autre là, en face, avec qui elle n'échange jamais que des incivilités. Il lui a amené de la Chartreuse : "allez la vieille, on va voir si ton estomac le supporte". Ensuite les copines en mode apéro, puis un dîner surprise chez son père et sa belle-doche. Elle est chez eux, encore, lorsqu'elle se relève soudainement du canapé duquel elle regarde le monde tourner, et tente d'attraper son téléphone. Toute la journée, de verre en bouteille en toast, un coin de sa tête tentait vainement de lui rappeler quelque chose, mais quoi, elle en savait pas et préférait lever une fois encore le coude ou réciter des vers… Quelques minutes plus tard, elle parvient à l'allumer et faire le numéro. "Allo chéri? tu ne m'attends plus au restaurant j'espère…"

Quatre extraits mis en ligne en février sur le convoi des glossolales… Bonne lecture!

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L’escalier

27 mars 2011

Il ne reste plus que Belou et toi dans la salle de bain. Belou s'assied toute droite sur la chaise que tu occupais auparavant et te regarde dans le miroir alors que tu sorts le sèche-cheveux de sa boîte. Tu enroules ses cheveux blonds sur une grosse brosse ronde et tu tires avec autant de douceur que possible de la main droite tandis que la main gauche oriente le flux d'air chaud. Inlassablement, tu tends, tires, enroules les pointes de façon à faire de jolies boucles sur ses épaules, tandis que Belou reste raide sur sa chaise, scrutant chacun de tes gestes et admirant le résultat. Tu poses enfin tes ustensiles. Belou ressemble à une petite fille modèle. Elle te sourit à travers le miroir, apaisée, heureuse.

Le son strident de l'interphone interrompt brutalement cet instant entre ta fille et toi.

– Papa, papa!! hurle Belou en glissant presque jusque en bas de ton escalier blanc… Papa, j'ai eu des poux!!

Belou court hors de l'appartement dont la porte est restée ouverte. Olivia te tend sa valise et te suit en riant alors que tu courts à ton tour avec les soins anti-poux : il faudra que Damien prenne le relais pendant le weekend afin de s'assurer que toutes les lentes sont anéanties.

Belou vous défie de la rattraper et continue à tourbilonner de marches en marches en criant vers son père. Angoisse et humiliation ont disparu, elle vient de vivre une aventure qui l'emplit tout entière, dont elle déborde et qu'il faut absolument qu'elle partage avec Damien. Ses chaussures de cuir violet foncé foncent d'une marche à l'autre et martèlent le tapis bordeaux pour marquer son envol, plus bas, plus vite, tu vois à peine ses cheveux flottant derrière elle alors que tu la pourchasses gaiement. Tu entends Olivia derrière toi qui se raccroche parfois à la rampe mais qui tient bon dans votre folle descente quasi aérienne qui tourne, tourne, et rend votre tête légère. 

Belou arrive bien avant toi en bas. Tu es au premier étage lorsque tu entends sa voix. 

– Bonjour Annabelle.

C'est une voix couleur beige, agréable, riche, une voix d'alto, une voix de Nadège. Tu t'arrêtes. Olivia te rejoint, pose une main amicale sur ton épaule et te tend l'autre.

– Je vais lui donner les produits. Tu as eu ton quota de Damien pour l'année ma belle, remonte et je te rejoins.

Tu hésites. Ce serait plus simple. Mais t'effacer, disparaître et les laisser partir ainsi tous les trois t'est impossible. Tu dois la voir, son visage, son maintient, tu dois la voir et tu dois être vue d'elle. Cette femme passe du temps avec ta fille, quoique Belou reste dorénavant quasi muette sur ses "un weekend sur deux" loin de toi, tu devines la présence de Nadège de façon ancrée auprès de Damien, et donc auprès de ta fille. Cette femme qui utilise le prénom de ta fille, "Annabelle", alors que le monde entier à part la CAF l'appelle Belou. Tes dents se serrent à s'en fendre, tu ne sais si l'état civil de Belou est devenu le petit nom intime qu'utilise Nadège ou bien si c'est une façon de te nier. Tu ne sais rien, ce pan de vie t'es entièrement à imaginer.

Tes poings se crispent, tu mordilles tes lèvres tout en cherchant une respiration difficile.Tu ramasses tes épaules, le ventre en noeud, et tu descends lentement. La conversation entre Belou et Nadège te devient plus précise, tu décèles une tonalité bien entière et armée de tendresse chez cette femme tandis une colère sourde monte en toi. Tu as fait ton deuil de Damien, tu n'imagines pas que vous puissiez avancer côte à côte. Il a le droit de refaire sa vie, d'aimer une autre femme de façon durable et constructive, mais pas comme ça. Parce que Belou existe, parce que vous l'éduquez ensemble, tu attends un minimum de la part de ton ex-compagnon. Malgré ces pages entières dont vous ne parlez jamais, ou peut-être justement à cause des silences lourds et épuisants que vous entretenez entre vous, tu te découvres cette exigence de transparence. Cette exigence de savoir exactement de quelle façon vit ta fille lorsqu'elle est loin de toi, de connaître les adultes occupant une place assez importante pour l'influencer et participer à sa construction, à son éducation, à la façon qu'elle a d'appréhender le monde.

Tu es accueilli par le dos de Damien et le rire de Belou qui ne t'est pas destiné… 

…Cette femme n'a pas le droit d'aimer ta fille, cette femme n'a pas le droit de rire ainsi, d'avoir une voix aussi chaude et agréable, cette femme…

Damien s'écarte, son visage s'empourpre d'émotions qui te sont illisibles… Tes yeux se baissent, ton coeur se brise, cette femme est enceinte, et sur son ventre brille un diamant presque trop gros pour être joli.

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Poème d’enfant

24 mars 2011
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Mes deux grands sont des géants
Aux longues pattes d'éléphants
Doté d'un cœur en fer blanc*

Avec eux, j'aime ce chemin:
Ils courent, tournent, rient
S'arrêtent, regardent, crient.
Ils réinventent le matin,
Le soir,
La peur du noir.

Mes deux grands sont des géants
Et une dernière qui suit,
Sans faire de bruit.

* "Quoi maman?? Ca rime!"

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Extrait tempêtueux

21 mars 2011

Quatre extraits pendant et après la tempête, mis en ligne en février sur le convoi des glossolales… Bonne lecture!

Elle est encombrée de fatigue, ses yeux peinent à rester ouverts. Elle continue néanmoins à rouler droit devant elle, agrippée au volant comme à une bouée, le dos vouté et penché en avant comme pour mieux voir la route. Les arbres s'inclinent au-dessus de sa voiture et la protège de la pluie et du vent. Le vent malmène des branches, craquèle des troncs et mélange le sol à l'air, soulevant poussière, terre, graviers. Allez, allez… presque arrivée… Sa gorge est sèche, sa voix éteinte, elle se sent sale des heures passées à foncer la route. Elle songe au thé chaud qui l'attend, au bain reposant, à la sécurité des murs en granits. Elle doit atteindre son refuge avant que la tempête ne se déchaine, sinon… Sinon l'être aimé risque de l'attendre vainement, lumière vacillante, dîner refroidissant, avec pour seule compagnie la colère des cieux grinçant le toit.

* * *

Le vent siffle dans les arbres aux bras décharnés. La pleine lune peine à renvoyer sa lumière à travers les lourds nuages qui traversent rapidement le ciel. C'est soir de tempête, c'est une nuit mauvaise. De ses doigts tremblants, tante Jeanne gratte une allumette sous la casserole. Le gaz lance des flammes bleues et réchauffe la soupe d'oncle Phil. Ses sorties varient en fonction des marées. Le temps d'amarrer, de décharger à la coopérative et de faire peser et évaluer ses prises, il ne devrait plus tarder. Pour une fois, il n'affrontera pas la tempête en mer, simplement en voiture sur le chemin du retour. Tante Jeanne l'attendra au coin de la gazinière, sa cuillère en bois remuant doucement le souper.

* * *

Tu te réveilles après la tempête et tu ne sais plus exactement où tu es. L'eau du ciel s'est mêlé à la mer, le vent a secoué ton embarcation. Là, au moment précis où tu sors de l'inconscience, un calme étrange teinté de bleu et de gris, un brouillard planant sur les eaux accueille ton regard. Le ciel d'un noir palissant sombre dans l'aube timide, reflétant tes yeux qui prennent la mesure des dégâts. Tes instruments, toute l'électronique, plus rien de fonctionne. Le sel a blanchi tes mains et tes vêtements, tout est trempé et tu grelottes, dépliant tant bien que mal une couverture de survie et des vêtements secs de ton placard étanche. Tu es seul au milieu de l'eau, sans le repère des étoiles, tes instruments ne fonctionnent plus et tu dérives au gré du courant et des vents. Surtout, tu es en vie.

* * *

Elle plonge, tombe, l'air fouette son visage. Ses cheveux s'emmêlent au vent derrière elle. Elle n'en finit pas de chuter et se dit qu'Alice a du trouver le temps long. Un bruit strident la fait sursauter : elle se réveille.

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Rituel (les poux de Belou 3)

18 mars 2011

Vous êtes rangées en file indienne face au miroir de la salle de bain, Olivia, un peu tendue, est à genoux devant Belou qui tripatouille ses cheveux l'air enchantée, Belou se tient debout devant toi alors que tu appliques avec douceur le "traiquement" sur ta fille, et tu es assise sur une chaise tandis Madame Rémy manipule derrière toi le shampooing anti-poux à l'huile de coco fourni par Olivia d'un doigté élégant que tu lui envie presque. Monsieur Rémy a battu stratégiquement en retraite.

– Je vous laisse entre vous anéantir les poux. Pour anéantir cette engeance, je vous fait confiance.

Tu te demandes si Monsieur Rémy parle en vers avec ses clients, ou s'il s'agit là uniquement d'un rituel badin entre sa femme et lui. Ils t'apparaissent comme d'une autre époque, leur amour et leurs petites attentions te sont touchants, les fleurs du vendredi, le brunch du dimanche après leur messe, leurs regards complices, la façon qu'ils ont d'être intimes et aimants l'un envers l'autre, sans même se toucher et sans mettre leur entourage mal à l'aise. Ce lien paisible entre eux t'est étranger, tu ignores même s'il te serait possible de connaître cette qualité de relation avec un homme, un autre, un étranger qu'il te faudrait laisser entrer. D'une certaine, façon, ils sont beaux.

Tu es un peu intimidée de laisser Madame Rémy toucher tes cheveux. Qu'elle soit ainsi dans ta salle de bain, ses bagues ornées de rubis et de diamants sagement alignées devant le lavabo, cela te parait incongru et déplacé. Elle semble n'en avoir cure cependant, et agite ses mains potelées et volubiles en riant.

– Par pitié appelez-moi Armelle les filles!

Armelle, c'est un raccourci trop soudain pour Olivia et toi qui êtes plus intimidées devant elle que devant vos propres mères… Après un bref conciliabule vous concluez sur un "Madame Armelle", plus familier mais néanmoins respectueux. Madame Armelle accepte son changement de statut avec grâce et et reprend le "frottage" vigoureux de ton crâne. 

Tu en protestes presque, mais un coup d'oeil vers ta fille suffit à raviser ton élan : Belou est ravie. Olivia a lu solennellement le mode d'emploi, vous êtes rassemblées autour d'elle et cette infestation de poux s'est transformée en une aventure partagée avec des grandes, comme un rituel d'initiation spécial qui s'intercale entre l'art de réussir une tresse et les trucs et astuces d'une manucure rouge carmin. Pendant les trois minutes de massage puis le temps de pose, elle réclame de vous les récits de vos mésaventures d'enfants avec les poux… Quand, comment, et ensuite? 

Belou plisse des yeux et essaye de vous imaginer jeunes, en robe à smoke et collants et avec des nattes sur le côté. Pour elle, il est impossible que vous ayez été des petites filles, cette notion l'amuse comme un conte imaginaire. Elle incline la tête, prend des poses avec son "traiquement" sur la tête, et négocie un brushing au sèche-cheveux.

Toutes trois, vous jouez le jeu aussi tendrement qu'amusées. 

Pour elle. 

Tout à coup, tu te sens émue, un sanglot se bloque dans ta gorge. Que tu aimes ta fille, que tu agrémentes ses moments désagréable de  rêves, d'audace et de fantaisie, cela t'est normal. Que d'autres aient pour ton enfant ce même élan, qu'on l'entoure ainsi d'autant d'amour te touche au-delà des mots.

Madame Armelle saisit ton regard, hoche de la tête avec connivence et vous indique vos places devant la baignoire. Olivia, Belou et toi vous agenouillez en baissant le tête. 

– C'est comme en prison, chuchote Belou quasi émerveillée.

– C'est comme en pension, corrige Madame Armelle. De mon temps du moins.

Madame Armelle règle la température et vous asperge méthodiquement d'eau l'une après l'autre. Une fois que vous êtes rincées, séchées à la serviette et longuement brossées au peigne anti-poux en fer, elle remet ses bagues.

– Mon cher et tendre va se languir si je tarde, d'autre part, nous sommes attendu. 

Elle disparaît dignement tout en descendant à reculons ton escalier jusqu'à ton salon. 

Une petite assiette blanche trône à côté de tes rouges à lèvres, remplie des cadavres des parasites et de leurs oeufs. Belou compte les vivants et les morts (regarde maman, celui-là agite encore ses petites pattes. C'est dégoûtant. Tu crois qu'il a bu mon sang?).

Tu vérifies l'heure, un peu paniquée. Damien arrive dans 15 minutes récupérer Belou… Olivia secoue sa lourde chevelure rousse encore humide et te rassure.

– Fait un beau brushing à notre princesse, je m'occupe de sa valise.

Il ne reste plus que Belou et toi dans la salle de bain. Ta fille s'assied toute droite sur la chaise que tu occupais auparavant et te regarde dans le miroir alors que tu sors le sèche-cheveux de sa boîte. Tu enroules ses cheveux blonds sur une grosse brosse ronde et tu tires avec autant de douceur que possible de la main droite tandis que la main gauche oriente le flux d'air chaud. Inlassablement, tu tends, tires, enroules les pointes de façon à faire de jolies boucles sur ses épaules, tandis que Belou reste raide sur sa chaise, scrutant chacun de tes gestes et admirant le résultat. Tu poses enfin tes ustensiles. Belou ressemble à une petite fille modèle. Elle te sourit à travers le miroir, apaisée, heureuse.

Le son strident de l'interphone interrompt brutalement cet instant entre ta fille et toi.

– Papa, papa!! hurle Belou en glissant presque jusque en bas de ton escalier blanc… Papa, j'ai eu des poux!!

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Noreen’s poem of Hopelessness

17 mars 2011

Hopelessness  
 

Hope is a thing there's less and less of

As the rude world falls apart

But a blue tit built a nest to sing

It was Spring in his birdy heart

And the poet wrote another note

Of hope that springs in human breast *

Have I lost my humanity

Or am I just weary?

Weary like Rutebeuf,

Whose friends were few and scattered far

Maybe a bird would be hopeless if it hopped less

Should I change my step, some other thing?

My hair, my face, maybe my car,

Or, be like birdie and learn to sing? 

Noreen V 
 * “Hope springs eternal in the human breast” Alexander Pope

Noreen and I have been sharing our love for words for the past eleven years (we were teenagers then, obviously ;) ). It's been my privilege and honor to have read her and to have been read by her through the years. This poem comes from an assignment half jokingly given to her in the comments of this post, and she was kind enough not only to oblige but to also let me share it with you.

I hope you enjoyed it. 

Thanks Noreen! 

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Monsieur et Madame Rémy (les poux de Belou 2)

14 mars 2011

Belou, sort de la salle de bain.

– Non!

Belou est assise en tailleur derrière la porte fermée à clé. Tu l'entends se gratter furieusement la tête… Tu imagines les poux qui tombent peut-être sur ses épaules, qui sait combien il y en a, la nausée te prend et tu aimerais défoncer la porte pour appliquer de la Marie-Rose sur ta fille. Olivia est revenue en courant avec des spray et shampooings et peignes, avec ses trois enfants elle a l'habitude.

– Belou, ouvre la porte.

Un cri te répond. Ta fille s'est transformée en sauvage. Son père ne va pas tarder, ta sauce tomate-basilic commencé à émettre une odeur peu rassurante, tu prendrais bien un verre de vin sur le toit. Ton duplex fut construit sur des chambres de bonnes et l'architecte a oublié d'obturer un couloir partant de ta chambre et menant à un passage vers le haut. Olivia et toi avez placé un verrou au fond du couloir, et une armoire sans fond devant dans ta chambre. Ni-vu ni-connu vous allez prendre l'air de temps en temps. Elle fume des menthols, et toi tu respires le ciel.

Vous n'êtes pas seules face à la crise de Belou : Monsieur et Madame Rémy de Soucy sont en grand conciliabules devant la porte de ta salle de bain. Madame est en tailleur et à genoux et tient dans ses mains un magnifique bouquet, cadeau de Monsieur. Ils n'ont pas pris la peine de le poser au premier étage, émus, inquiets, ils sont montés directement nous voir. Les cris de Belou, ta porte ouverte, ta sauce dont le fond commençait à brûler…

– De crainte d'un incident, j'ai éteints tel un impudent, a annoncé Monsieur Rémy d'un air important. 

Ils ont gravi le petit escalier raide et blanc qui mène à ta mezzanine et ta salle de bain, Monsieur et Madame Rémy de Soucy, ils se sont enquis de la situation, ont réfléchi de concert avant que Madame ne dise :

– Nous nous en occupons. 

Madame s'appelle Armelle Sempène. Féministe, elle aurait bien accolé son nom de jeune fille à celui de son mari, mais Armelle Sampène de Soucy, c'était tout simplement inimaginable. Dans l'immeuble, vous les appelez Monsieur et Madame Rémy. Monsieur est notaire et porte l'embonpoint adéquat à la mise en confiance de ses clients. Madame s'occupe d'associations qui répandent le bien à travers le monde, et elle rend facilement service.

Tu essaies une dernière fois de faire sortir ta fille, puis tu abandonnes en te mordillant les lèvres, soulagée et honteuse d'avoir du soutien. Si tu ne t'en sorts pas toute seule. Alors quoi?

Monsieur Rémy s'accroupit et parle le nez collé à la moquette.

– Belou, j'ai une proposition.

Un hurlement lui répond. Madame Rémy effleure tendrement l'épaule de son mari.

– Vous avancez mal dans la négociation, j'ai un autre plan d'action.

– Voilà qui mérite réflexion. Ma mie, vous avez toute ma confiance pour débarrasser Belou de cette engeance.

– Belou, veux-tu du chocolat? 

Silence.

– Il se trouve que j'en ai dans ma poche. Je l'ai ramené de la semaine enchantée que Monsieur Rémy et moi-même avons passé à Méribel, Je crois qu'il est très bon.

La tactique de Madame Rémy te confond. Il est vrai que Belou n'a pas mangé grand-chose au goûter. Comme toi, elle a du mal à résister au chocolat, tu dois cacher les tablettes tout en haut du placard de la cuisine, et il te semble bien avoir déjà entendu des raclements de chaises et des petites mains tâtonner en vain en hauteur.

Elle te regarde et te fait un clin d'oeil:

– C'est l'avantage de ne pas être sa mère, je peux plus facilement acheter sa coopération.

– Ze veux bien, chuchote Belou d'une voix boudeuse.

Madame Rémy tire une petite tablette très joliment décorée de son sac et la glisse sous la porte.

– Manges-en autant que tu le souhaites ma jolie, tu as dû avoir bien peur… Mais tu sais, ce n'est pas très grave d'avoir des poux… Je vais te dire un secret, il m'est arrivée d'en attraper lorsque j'avais à peu-près ton âge. 

– Ah bon?

– Oui bien sûr, cela peut arriver à tout le monde… Pour m'en débarrasser, ma chère mère a utilisé un shampooing spécial ainsi qu'un peigne. Nous devrions faire de même avec toi.

– Non. Cha pique les "traiquements", réplique Belou la bouche pleine.

– Ma chère enfant, j'engage mon honneur et te promet que le traitement que te propose ma mie ne pique point, annonce gravement Monsieur Rémy.

Silence. Vous entendez un bruit de papier chiffonné. Tu réprimes un sourire en imaginant ta fille engouffrant rapidement ce qu'il reste de la tablette…

Clac. 

Belou apparaît sur le seuil de la salle de bain. Elle a les cheveux en bataille et le visage et les vêtements maculés de chocolat. Mais elle est là.

– Maman et Olivia vont faire le "traiquement" aussi, annonce-t-elle résolument.

Pour acheter l'album d'Abel : http://musique.fnac.com/a2712739/Abel-Chocobelou-CD-album

Pour retrouver les histoires de Belou : http://blandinebrugnonsonnois.posterous.com/tag/belou et http://www.facebook.com/pages/Histoires-de-Belou/138062316250020

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Tristes Extraits Douloureux

13 mars 2011

Quatre extraits de mes paragraphes « contraints » mis en ligne sur le blog du Convoi des Glossolales, que je vous invite d’ailleurs à aller découvrir… Il est peuplé de textes et d’auteurs doués et surprenants.


 

Franck sifflote et affute sa lame. Sous ses pieds reposent quinze retraitées dont les corps nourrissent des futurs vers de pêche. L’herbe est jaunie de chaleur, la terre craquelée de soif. Devant la maison, le portail rouillé gémit au vent brûlant qui transporte poussières et grain de sable. De l’autre côté de la colline, en face, la plage, d’où émanent les rires insouciants des vacanciers bravant la canicule. Franck sent la soif en lui. Tous les ans, c’est ainsi. Il aligne un nouveau corps dès l’automne arrivé. Un corps d’été congelé, un corps de femme ridée et racornie, toutes de la même taille, toutes en chignon blanc, toutes reflets de sa mère. Son anniversaire arrive, il va lui falloir aller la voir, subir ses moqueries acerbes et accepter qu’elle ne l’aimera jamais. Cette année, peut-être, il sera un homme. Cette année, peut-être, il parviendra à la faire taire, elle, et non une autre. Franck sifflote et affute sa lame. Dans quelques heures aura lieu la messe du soir, la messe des vieux, dans quelques heures il partira à la chasse.

 

* * *

 


Pétrie de douleur elle ferme les yeux, maudissant sa journée, son patron, le stress, les cigarettes en trop. Ses doigts massent sa nuque dans une tentative sensée évacuer les tensions, elle s’essaie d’être sourde aux sifflets dans ses oreilles. Elle se transporte en Grèce, où une plage de marbre noir donne sur une mer turquoise aux bas-fonds enchanteurs, se berce de vagues, et sombre doucement dans l’oubli en espérant que sa douleur aura disparu au réveil.

* * *

 

Parfois se lever était difficile. Déplier son corps, sentir la douleur se propager et rejoindre chaque articulation. Il fallait s’occuper des enfants, les aider à s’habiller, les emmener à l’école, puis prendre le bus jusqu’à l’officine où elle était assistante. Toute la journée à répondre au téléphone, à prendre des notes, à taper… Toute la journée à agiter les doigts, plier, déplier… Puis le soir, le chemin inverse jusqu’à la sortie de l’étude, le babil incessant de gaité des enfants jusqu’au silence dans leurs lits, jusqu’au repos de la nuit pendant lequel, enfin, la douleur de son corps pouvait disparaitre le temps d’un court sommeil.

 

* * *

 

Rien ne peut changer le présent, mais je sais que ce soir ton cœur est un peu plus lourd sans doute, ton âme un peu plus grave. Avoir pris le temps n’aurait sans doute rien changé, t’arrêter, discuter avec elle. Quelques minutes pour la voir, l’écouter, quelques instants où elle aurait existé dans le regard d’un autre, loin de ses problèmes, de ses névroses… Son corps élancé aurait quand même plongé,  son corps si léger se serait quand même brisé volontairement. Non, cela n’aurait rien changé, pour elle, sa décision était arrêtée. Mais pour toi, pour toi aujourd’hui, cela aurait fait toute la différence… Il n’y aurait pas ce pincement. Le temps d’une seconde, de s’arrêter pour y penser. Le pas et les gestes plus lents, puis la respiration passe et la vie continue.  Je ne crains pas pour toi mais je te sais triste, c’est pour cela que je suis triste aussi, et que je t’envoie tout ma tendresse et ma joie de toi à distance. S’il n’y avait cette distance, cet océan… ce ravin d’absence qui m’empêche d’être auprès de toi, de t’enlacer de ma tendresse. Mes yeux se portent sur cette fenêtre, contre la rambarde d’où nous fumions nos cigarettes et lancions nos voix dans la cour de l’immeuble, il y a si longtemps, si jeunes et arrogants et insouciants, et je frissonne. J’enlace mes genoux de mes bras, la tête posée entre les deux, et je pense à toi. J’allume une cigarette, seule dans ce pays étranger, je pense à elle. 

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And then I remembered to run for the rain

11 mars 2011
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Regarder les choses

10 mars 2011
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Regarder comme une dernière fois

S'imprégner les sens en émois

S'en souvenir et tout écrire

Respirer l'air les poings crispés

Ultime gorgée savourée

Poumons gonflés, prête à en rire

Regarder la lumière en face

Le cœur ouvert, les larmes aveugles

Puis ténèbres, prenant sa place

Regarder comme la dernière fois

L'espérance d'autres lendemains

L'attente d'un nouveau matin.