
Monsieur et Madame Rémy (les poux de Belou 2)
14 mars 2011– Belou, sort de la salle de bain.
– Non!
Belou est assise en tailleur derrière la porte fermée à clé. Tu l'entends se gratter furieusement la tête… Tu imagines les poux qui tombent peut-être sur ses épaules, qui sait combien il y en a, la nausée te prend et tu aimerais défoncer la porte pour appliquer de la Marie-Rose sur ta fille. Olivia est revenue en courant avec des spray et shampooings et peignes, avec ses trois enfants elle a l'habitude.
– Belou, ouvre la porte.
Un cri te répond. Ta fille s'est transformée en sauvage. Son père ne va pas tarder, ta sauce tomate-basilic commencé à émettre une odeur peu rassurante, tu prendrais bien un verre de vin sur le toit. Ton duplex fut construit sur des chambres de bonnes et l'architecte a oublié d'obturer un couloir partant de ta chambre et menant à un passage vers le haut. Olivia et toi avez placé un verrou au fond du couloir, et une armoire sans fond devant dans ta chambre. Ni-vu ni-connu vous allez prendre l'air de temps en temps. Elle fume des menthols, et toi tu respires le ciel.
Vous n'êtes pas seules face à la crise de Belou : Monsieur et Madame Rémy de Soucy sont en grand conciliabules devant la porte de ta salle de bain. Madame est en tailleur et à genoux et tient dans ses mains un magnifique bouquet, cadeau de Monsieur. Ils n'ont pas pris la peine de le poser au premier étage, émus, inquiets, ils sont montés directement nous voir. Les cris de Belou, ta porte ouverte, ta sauce dont le fond commençait à brûler…
– De crainte d'un incident, j'ai éteints tel un impudent, a annoncé Monsieur Rémy d'un air important.
Ils ont gravi le petit escalier raide et blanc qui mène à ta mezzanine et ta salle de bain, Monsieur et Madame Rémy de Soucy, ils se sont enquis de la situation, ont réfléchi de concert avant que Madame ne dise :
– Nous nous en occupons.
Madame s'appelle Armelle Sempène. Féministe, elle aurait bien accolé son nom de jeune fille à celui de son mari, mais Armelle Sampène de Soucy, c'était tout simplement inimaginable. Dans l'immeuble, vous les appelez Monsieur et Madame Rémy. Monsieur est notaire et porte l'embonpoint adéquat à la mise en confiance de ses clients. Madame s'occupe d'associations qui répandent le bien à travers le monde, et elle rend facilement service.
Tu essaies une dernière fois de faire sortir ta fille, puis tu abandonnes en te mordillant les lèvres, soulagée et honteuse d'avoir du soutien. Si tu ne t'en sorts pas toute seule. Alors quoi?
Monsieur Rémy s'accroupit et parle le nez collé à la moquette.
– Belou, j'ai une proposition.
Un hurlement lui répond. Madame Rémy effleure tendrement l'épaule de son mari.
– Vous avancez mal dans la négociation, j'ai un autre plan d'action.
– Voilà qui mérite réflexion. Ma mie, vous avez toute ma confiance pour débarrasser Belou de cette engeance.
– Belou, veux-tu du chocolat?
Silence.
– Il se trouve que j'en ai dans ma poche. Je l'ai ramené de la semaine enchantée que Monsieur Rémy et moi-même avons passé à Méribel, Je crois qu'il est très bon.
La tactique de Madame Rémy te confond. Il est vrai que Belou n'a pas mangé grand-chose au goûter. Comme toi, elle a du mal à résister au chocolat, tu dois cacher les tablettes tout en haut du placard de la cuisine, et il te semble bien avoir déjà entendu des raclements de chaises et des petites mains tâtonner en vain en hauteur.
Elle te regarde et te fait un clin d'oeil:
– C'est l'avantage de ne pas être sa mère, je peux plus facilement acheter sa coopération.
– Ze veux bien, chuchote Belou d'une voix boudeuse.
Madame Rémy tire une petite tablette très joliment décorée de son sac et la glisse sous la porte.
– Manges-en autant que tu le souhaites ma jolie, tu as dû avoir bien peur… Mais tu sais, ce n'est pas très grave d'avoir des poux… Je vais te dire un secret, il m'est arrivée d'en attraper lorsque j'avais à peu-près ton âge.
– Ah bon?
– Oui bien sûr, cela peut arriver à tout le monde… Pour m'en débarrasser, ma chère mère a utilisé un shampooing spécial ainsi qu'un peigne. Nous devrions faire de même avec toi.
– Non. Cha pique les "traiquements", réplique Belou la bouche pleine.
– Ma chère enfant, j'engage mon honneur et te promet que le traitement que te propose ma mie ne pique point, annonce gravement Monsieur Rémy.
Silence. Vous entendez un bruit de papier chiffonné. Tu réprimes un sourire en imaginant ta fille engouffrant rapidement ce qu'il reste de la tablette…
Clac.
Belou apparaît sur le seuil de la salle de bain. Elle a les cheveux en bataille et le visage et les vêtements maculés de chocolat. Mais elle est là.
– Maman et Olivia vont faire le "traiquement" aussi, annonce-t-elle résolument.
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