Archive for mars 2010

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bends on the road

27 mars 2010

Bends on the road used to be romantic. They were ideas of fiction you read about in books, exciting aventures that would happen to you when you’d be older.

 

Today, you are older. There is an epipen in your fridge, your husband is hitting the bars after working long hours, your wife’s been cheating on you for 13 years, your mortgage is due and you can’t pay. Today, bends on the roads are harsh, they hit you plain and hard, bends in the roads are painful. There used to be joy, there will still be joy one day, and yes, sometimes great happiness waited for you behind the corner, the birth of your child, a lover’s revelation, the smile of a friend, the recovery of a close one. You know there are as many good things as there are bad things waiting for you as you turn on the road, but today, you have grown weary of life. 

 

You have your own road, in the corner of your mind, it’s a place very real which you haven’t laid eyes on for year. It is small and steep, there are trees and small houses on each side. When people ride it down, they can enjoy watching the sea from uphill, an immense, a dark blue moving mystery.

 

You only rode it once. That’s all it took for a bend on this one road to hit you hard. You broke your skull, you broke your shoulder, your flesh burned on the road. Your ear was slashed and blood tinted the asphalt. You lost consciousness and thought you were gone forever. There was a friend behind you, on her own bike. She caught up with you, ready for a joke, ready to make fun of your clumsiness, look at you, falling like a child and not getting up again. She left her bike on the side of a ditch and saw your body sprawled on the road. That’s all that was left, unconscious limbs and a growing pain that would never leave you. It is still there today, walking life with you and marking the light with it’s shadow.

 

When she saw you, your friend thought you were dead. For days she watched you fight, clinging to an invisible rope that got you back to the light. You came back damaged, you came back bitter and feeling unwhole. You too, for many years, thought that a part of yourself was left there. That life had taken something from you it shouldn’t have. That your hopes had died, slipping away from you with your blood  on that particular day. Through the pain, through the years of rebellion, of tears, of resignation, through the time it took you to grow up, your thoughts took you back to this one road that changed your life.

 

But you never did go back. Until now. 

 

You took the train and walked along the beach until you reached the small town whose name was burned in your mind. You took your time, the wind hissing in your ears, twirling your hair with sand and salt and life. You sat there for a while, watching the sea, taking the light in. Then you turned your back from it and faced the hill. You walked the road slowly. Your mind empty, your senses taking everything in, the smells, the sharp colours, the sense of peace and quiet invading your soul. 

 

Today you know that you were born that day. The person you’ve fought to become, who you are today, wouldn’t exist if not for this bend on the road. You may not be who you were set to become, there is a painful darkness laying within you, but overall you feel blessed. Your life didn’t stop. You carried on. You built yourself an imperfect life, as we all do. Your child almost died today, your husband is an alcoholic, your wife will sleep with anyone but you, your house might be taken away from you. You are pregnant after years trying, you just fell in love for the first time, you made up with your mother, your best friend survived cancer. 

 

You don’t know what is is that is changed in you, you don’t know for sure that anything has changed. You will keep on walking your life with its light and shadows, you will keep on having successes and making mistakes. This road in the countryside looks like any other road, it is meaningless to any one but you. It shouldn’t matter as much, yet you feel there is a slight shift within you, a door opened on peace and a promise of joy. That you will walk towards it remains a choice to be made. That you are there, that you have a choice, that you are free… it is the greatest gift of all.

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Regard

22 mars 2010

Il la regarde, ravi.

Elle est debout sur son lit, une longue chemise de lin sur son corps, ses cheveux encore ensommeillés, elle est debout les mains tendues. Son rire incendie son visage, la pièce, son rire coule en cascade le long des murs, la mange toute entière jusqu'au regard qu'il porte sur elle.

Comme toujours.

Il la regarde quand elle dort, blottie entre deux oreillers blancs, quand elle se perd dans son café, s'habille, marche, lit, quand elle parle de la vie, de tristesse, de joie, d'espoir. Il aime la regarder parler surtout. Les mots imprègnent son visage, lui donne vie. Ses mains partent dans une danse frénétique, ses yeux illuminés ressemblent à deux petites lunes noires.

Elle s'essoufle un peu, se penche en avant pour mieux se faire comprendre. Elle chante ses mots qui glissent sur sa peau à lui, lui qui ne retient qu'elle, que son visage, que la vie qui s'est emparée soudainement d'elle.

Elle s'arrête un peu agacée:

– Tu m'écoutes?

Oui. Non. Il lui sourit, penaud. Il entends la musique de ses paroles qui lui semblent aussi belle qu'elle, qui est plus que belle, sa lumière, la lumière de son coeur qui a pris possession de lui, de ce qu'il a de plus précieux en lui, qu'il garde farouchement et à jamais dans la liberté de son regard.

Elle est debout sur son lit. La lumière s'est emparée de son visage, de son sourire, de tout en elle. Le lit qui est au milieu de la pièce, le lit se battant contre les cartons et les paquets à déballer, et tant de meubles à déplacer.

Ils emménagent.

Tout a été emballé dans l'ordre le plus aléatoire. La rape à fromage cotoie la pipe de Monsieur d'un côté et un foulard en soie de l'autre. Dans un panier en osier, ses précieux flacons de crèmes et poudres sont mélangés avec l'huile d'olive, le safran et le thym.

Ensemble, dans ce joyeux désordre, ils trient, remontent les étagères et les commodes.

C'est le souvenir qu'il gardera d'elle. Aujourd'hui. Aujourd'hui que sa maison est vide et bien rangée. Il comble l'absence par des visites au cimetière et des promenades sur les bords de Marne. Il n'a pas retenu les années qui l'ont marquée, les cheveux gris, la maladie. Les derniers jours où son visage s'est creusé et la petite flamme dans son regard qui luttait pour ne pas s'éteindre.

Aujourd'hui il inspire, ferme les yeux… elle est là, debout sur son lit. S'il tend les mains, il pourrait presque la toucher.

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Les petits pas

16 mars 2010

Vous marchez à petit pas, avec précaution. 

 

Un manteau beige, un grand sac en cuir carré. Dedans s’y cache une brioche et un thermos de chocolat chaud. Vos cheveux sont soigneusement mis en plis, vos yeux bruns regardent le monde avec humilité et bonté. Vos yeux cachés derrière vos lunettes épaisses, qui se posent sur votre petit-fils avec attendrissement. Ensemble, nous marchons. Nous regardons mon fils et votre petit-fils dévorer leur goûter avec le même plaisir. Ils se ressemblent. Ils sont bruns, les traits fin, ils ont des yeux noirs au regard profond.

 

Souvent, nous ne nous parlons pas. Nous avançons en les regardant. Je vous dépasse involontairement, réalise que vous êtes derrière, et ralentis le pas.

 

– C’est que vous êtes grande! …

 

Vous souriez. Un jour aussi, vous avez été jeune, le dos plus droit, moins fatiguée. Le pas énergique et volontaire. Le pas affamé, sacrifiant tout pour ses enfants.

 

Au fil des mardis, nous avons appris à nous connaître. En silence. En confidences aussi. Vous m’avez raconté, les ménages, les gardes d’enfants. Feu votre mari qui travaillait sur les chantiers la semaine, et qui faisait des petits jobs ici et là en complément. La maison dont vous êtes propriétaire, dont vous avez payé chaque centime à la sueur de vos deux fronts. Les jours où vous regardiez vos enfants manger, sachant qu’il ne vous resterait pas grand-chose pour vous-même le soir.

 

– Mes enfants, ils ont fait des études, ils n’auront pas à s’inquiéter autant.

 

Je vous écoute. Vous continuez votre chemin tranquillement, votre regard, vos gestes débordant d’amour pour l’enfant qui vous accompagne. Que vous accompagnez. Ses parents sont occupés. Ses parents travaillent. Ils ont fait des études, ils ont un bon métier. Ils ont une maison plus spacieuse que la vôtre et ne se demandent jamais comment ils vont payer leur factures. Vous êtes heureuse. Et votre petit-fils, il faut bien que quelqu’un s’en occupe, alors autant que ce soit vous.

 

– Je ne fais rien de mes journées de toutes façons.

 

Nous arrivons sur la place centrale. Nos garçons lâchent leurs jambes et courent en cercles  tandis que nous nous asseyons sur un banc. Nous attendons en nous frottant les mains contre l’hiver. En attendant les autres, les enfants du mardi qui partagent la même activité du soir. Lorsque le groupe est complet, nous nous regardons en souriant.

 

– A tout à l’heure…

 

Nous nous recroiserons à peine, le temps de récupérer un garçon heureux et fatigué, le temps d’un sourire encore avant de partir chacune de notre côté.

 

Si je me retourne, je vous verrais marcher à petit pas derrière votre petit-fils, allant avec constance et sans jamais vous plaindre.

 

Parfois, je pense à vous. Peut-être m’accompagnez-vous aussi un peu…

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Les cheveux en pétard

12 mars 2010

Les cheveux en pétard. Une masse incroyable qui s'envole en frisottant, compacte, figée, libérant son visage grâce à un large bandeau noir.

Elle est impassible sur son siège, les yeux baissés sur ses mots croisés. Dans ses mains, un stylo "marketing", de ceux qu'on distribue dans les séminaires où qu'on trouve dans les grands hôtels. 

Deux boucles argentées à ses oreilles prennent la lumière qui traversent la vitre du train et la redistribue sur son visage lisse et sombre. 

De l'autre côté de l'allée, un homme la regarde. Il est jeune, un peu affalé sur plusieurs sièges, et il mâche un chewing-gum d'un air nonchalant. Il darde ses yeux sombres sur elle et attend qu'elle lève la tête.

Mes yeux vont de l'un à l'autre. C'est un jeu. 

Le visage de la jeune femme frémit, ses lèvres évitent un sourire, ses yeux résistent et s'accrochent aux mots qu'elle fait surgir sur le papier. Il sourit, ses yeux pétillent, il sait qu'il va gagner. Si elle ne le regarde pas maintenant, elle devra bien descendre du train, ranger ses affaires, se lever, regarder où elle va…

C'est un jeu. J'aimerai bien connaître la suite mais je dois descendre avant eux. Lorsque je me lève, je vois une émotion pourpre envahir le visage de la jeune femme qui est maintenant ouvertement amusée, les yeux toujours baissés.

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Les mains

9 mars 2010

A côté de moi, une paire de mains élégantes engourdies par le froid, mal réveillées.

Leurs ongles sont soignés, limés dans une courbe exacte et recouverts d’un verni discret. Les phalanges ressemblent au miennes, ce sont des mains fines et arquées. Seul un doigt porte un anneau, un cercle fin orné de pierres.

Les mains s’agitent, les mains discutent. Elles effectuent d’élégantes arabesques, se soulèvent, aériennes, avant de se reposer doucement. Elles ne sont ni lourdes ni disgracieuses et dansent au son des mots.

Peu à peu, les rougeurs s’estompent, les mains s’habituent à la chaleur du train. Elles se croisent sur un sac en cuir marron et continuent à converser gaiement avec leurs voisines, parfois encore soulevées d’un soubresaut, d’une exclamation qu’il faut absolument ponctuer.

Le train s’arrête, les mains se lèvent et quittent la rame. Je les regarde partir en me disant que je ne connais même pas leur visage.

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Lever

5 mars 2010

Il s'est levé.

Elle se roule en boule jusque la fenêtre, emmitouflée dans la chaleur de la couette. Le store ne tombe pas jusqu'en bas, elle peut apercevoir une parcelle de jour qui éclairci lentement les mailles du balcon. 

Elle pourrait rester des heures à regarder ce rayon gris perçant les nuages, tout en respirant lentement l'odeur de l'autre et le reste de ses rêves.

Il est encore là. Elle reste allongée. Elle déteste les matins tardifs où elle doit attendre son départ. Pour ne pas le croiser dans le couloir grelottant. Le regarder boire son café, prendre sa douche en même temps que lui s'habille.

Elle aime avoir ses levers pour elle.

S'étirer voluptueusement dans le silence, choisir son rythme. Quitter le monde de la nuit, prendre le temps du réveil et accueillir le jour petit à petit. La radio qui baille avec elle devant un café, les chaussons qui traînent au sol, le bouton sur le front qu'elle regarde d'un air interrogateur. 

Il part tôt, d'habitude. Sa voiture l'attend en bas, dans la rue un peu givrée. Elle ne démarre jamais tout de suite, crachote et tousse tandis qu'il frotte ses mains et pousse le chauffage.

Elle, elle travaille à côté et ne commence qu'à neuf heures. Ensuite, elle attend sur sa chaise qu'on veuille bien lui acheter un crayon, une revue, un livre ou du canson. Ses journées sont calmes, sauf en septembre et à Noël.

La boutique ouvre plus tôt, à sept heures. C'est le gérant insomniaque qui s'en charge. Il gère les clients pressés qui viennent se procurer les nouvelles du jour. Puis, quand elle arrive, il part se coucher. Son lit est froid et il y tombe lourdement, encore habillé et les doigts noircis de l'encre qu'il a vendue. Il resurgira pour le déjeuner et elle pourra prendre sa pause. Grignoter un petit quelque chose sur son canapé en regardant la télé.

Les matins sont lents. Les après-midi sont plus animés, mais le gérant est avec elle. Ils se partagent les clients. Elle prend les étudiants en passe de manuels, il se charge des mères angoissées, inquiètes. Il les bouscule un peu, parle plus fort qu'elles en prenant des allures de dictateurs d'opérettes. Elles repartent les bras chargées de matériel, le portefeuille et le coeur léger. Rassurées et gonflées d'orgueil. Elles ont fait ce qu'il fallait, leur enfant ne manquera de rien, ce sont de bonnes mères.

Les étudiants sont moins compliqués. Certains savent déjà ce qu'ils veulent, un complément de cours, un essai compliqué ou une méthode que tous les autres, ceux qui savent, leur ont recommandé. D'autres sont plus désorientés. Ils ont une liste froissée à la main, ou cherchent un livre miracle, celui qui leur permettra de comprendre la matière. Elle leur parle d'une voix douce dans le parfum du papier neuf, ils consultent ensemble les étagères blanches où sont alignés les titres en rang de bataille.

Ses journées sont faciles. Elles coulent jusqu'au soir. 

Elle termine à six heures. Le gérant ferme à sept. Après quelques courses, elle retrouve l'appartement silencieux. 

Lui revient à temps pour l'apéritif, et là la parole vient enfin. Le rire aussi. Elle se blottit contre lui  et il laisse sa main se perdre dans ses cheveux noirs en lui racontant une histoire de boulot. C'est simple. Rien d'extraordinaire. L'Histoire ne retiendra rien de sa vie, certains la trouveraient vide et ennuyeuse, mais ça lui est égal, elle pense être heureuse et c'est le principal.

La porte claque. Il est enfin parti.  

Elle soupire longuement et repousse les draps. Une nouvelle journée peut commencer… le café, la radio, les chaussons qui traînent. La librairie et les étudiants, et le soleil enfin.

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Les yeux sans visage (traduction)

1 mars 2010

C’est moi et ce n’est pas moi.

 

Tu surfes sur le web, les enfants au loin, ton mari fait une pause des jeux olympique (…ton mari sommeille).

 

Tu surfes sur le web, te sentant désoeuvrée, sachant que tu devrais écrire, ou cuisiner, ou nettoyer un truc, mais surtout que tu devrais écrire. Tes doigts s’agitent convulsivement et tu as ce besoin en toi, cette exigence avide de mots. Sauf que les mots t’échappent, peut-être parce qu’ils sont trop effrayants ou trop tristes ou trop vrais. Peut-être parce que-ce que tu écris, tu l’as lu et relu jusqu’à la nausée et l’épuisement, au point de faire pleurer de l’encre à tes doigts.

 

C’est bien, parfois, de prendre du large par rapport aux mots. D’avoir la pensée vide, rien, d’avoir le néant pour univers. La maison vibre d’un silence suspicieux, tu a éteints la musique, il n’y plus rien à part le vent. Un vent puissant qui déferle sur la maison, les arbres, qui rend la lumière du soleil plus précise en poussant au hasard de lourds nuage noirs.

 

Tu sais que tu veux écrire à propos de lundi dernier. Le texte prend lentement forme dans ta tête, tu n’es pas sûre encore, est-il en français, en anglais? C’est un texte à propos de rencontre et de partage. Qui parle d’être assise sur un tabouret dans l’obscurité, avec une lumière tamisée soigneusement choisie. Qui parle de plonger dans l’objectif d’un appareil photo. Il y fait noir aussi, mais tu n’y cherches pas la lumière, tu cherches un oeil, tu cherches son regard. Tu n’es pas certaine de ce qu’il voit, de ce qu’il veut et tu ne sais pas quoi donner. 

C’est déconcertant. C’est intense, aussi.

 

Tu surfes le web à la recherche de mots et l’image surgit violemment devant toi. Te saute dessus. Non, ça, ce n’est pas toi, n’est-ce pas?

Il y avait eu un premier résultat, pur, bleu, lumineux, et déjà c’était toi sans l’être. Tu l’avais reçu par email, elle avait été envoyée avec soin. Tu étais prévenue de son existence. Une nouvelle fois, tu étais déconcertée, mais finalement tu as réalisé que tu appréciais le résultat, et même que tu l’aimais vraiment.


Tu étais prévenue qu’elle existait quelque part, cette image de toi, et  qu’un étranger, un artiste, était penché dessus. Tu as cherché son travail sur la toile et tu as trouvé des choses que tu aimais beaucoup et d’autres moins. Tu es allée sur son facebook, son flickr, tu aurais dû trouver l’image plus tôt.

 

Aujourd’hui tu atterris sur son blog, tu tombes sur toi étalée en pleine page d’accueil. Ce morceau de toi est apparu violemment sur l’écran, sans s’annoncer et déjà âgé de quelques jours. L’image était inattendue de plus d’une façon, tu la reçois comme un coup.

 

D’abord tu la rejettes, tu la déteste. Elle n’est plus cliniquement immaculée, et elle pleure de l’encre. Puis, tu as réalisé qu’elle ne t’appartenait plus. Tu l’avais donnée à quelqu’un, et ce faisant tu y avais renoncé. 

Tu n’es pas certaine de ce que tu en penses encore. Cela prendra peut-être du temps (et peut-être que tu l’apprécies terriblement, finalement). Cela demandera peut-être de rencontrer cet étranger qui ignorait la tristesse de tes mots, et qui ne sait pas à quel point son travail et celui de son [associé] t’a rendu justice aujourd’hui.

Crédit photo : Tanguy de Montesson et Gilles Billian