Archive for juillet 2009

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Les Larmes de Pierre – Chapitre

26 juillet 2009

Guernevez-chantier

 

Je sais, c’est de la triche… celui-ci était déjà sur facebook (les fautes d’orthographe aussi). Mais je pense que sa place est plutôt ici. A force, je parviendrai peut-être à reconstituer le puzzle.

Not sure I’ll have the energy to translate this one (aka, learn French, heh! Sorry.)

Chapitre 7.

 


Ta mère est venue te voir. Après l’enterrement, elle s’est organisée, a pris ses dispositions. Elle avait bien vu, ta mère, que tu avait besoin d’elle. 

Elle a quitté son village et prit le train, une petite valise carrée à la main. Le corps frêle et digne. Tes deux premiers enfants étaient nés dans le pays, elle n’avait eut que quelques rues à traverser, quelques chemins à prendre entre sa ferme et ta maison de ville. 

Cette fois-ci tu étais plus loin. Elle a quitté le cimetière et porté sa peine jusqu’à la gare, la serrant contre elle, assise sur sa banquette entourée d’étrangers, la gardant en elle dans les rues sales et urbaines, jusqu’à ton immeuble. Jusqu’à l’ascenseur qu’elle a refusé de prendre, montant les marches une à une, se pressant avec lenteur. Jusqu’à ton appartement vide – les enfants étaient à l’école – jusqu’à toi, pauvre petite chose recroquevillée sur un canapé près de la fenêtre. Les yeux ailleurs, dehors, ne cherchant rien, n’attendant rien. Elle a posé sa valise et s’est approchée de toi, prenant tes mains, ton visage, te serrant contre elle fièrement, sauvagement, sa fille, sa chair et son sang, t’enveloppant dans son odeur, dans le parfum de ton enfance. Et là, réfugiée dans sa chaleur, dans son amour inconditionnel, tu as pu te laisser aller et pleurer, tu as pu laisser rugir le cris de détresse que tu retenais en toi.

Elle est restée près de toi, ombre silencieuse et droite, elle s’est affairée sans se plaindre à faire tourner ta maison. A recevoir les proches chez toi les semaines suivant l’enterrement, à s’occuper des enfants, veillant à ce qu’ils aient des vêtement propres et un repas chaud en rentrant de l’école. Elle t’a laissé pleurer à ta façon sans te juger, sans rien exiger de toi. Comme une louve protège son clan, elle a veillé sur vous tant qu’elle a pu, jusqu’à ce que son absence là-bas au village devienne trop gênante. 

Vos pièces se sont imbibées de ses odeurs de cuisine, le cellier bien rempli et vos papilles inondées du plaisir de ses plats simples et goûteux. Certains mots ne franchiront jamais ses lèvres, son âme pudique ne saurait nommer les émotions qui la transpercent, mais ta mère cuisine. Elle communique son amour, ses inquiétudes, ses joies et ses peines à travers ses recettes. Ses petits-enfants sont contraints à la soupe du soir qu’ils attaquent avec joie, à leur plus grande surprise. Ta mère est là, ménagère discrète et efficace, et les fumets de ses potées et confitures veillent sur vous. Elle t’a transmis son instinct nourricier et tu te prends aujourd’hui à répéter certains de ses ges

tes, un tour de main particulier, un ingrédient original. Et parfois, en humant une conserve de fruits nouvellement ouverte, ces moments reviennent avec force te couper le souffle, juste une seconde, le temps d’une odeur, d’un souvenir. Un parfum peut porter en lui toute une époque de notre vie, il suffit de quelques particules pour retourner des années en arrière. Tu goûtes aux fruits d’un doigt distrait en repensant à ta mère, à ton deuil, le visage habité d’un sourire doux-amer, avant de continuer ta recette.


Ta mère a fait ce qu’elle a pu, ensuite elle est rentrée chez elle avec sa petite valise carrée un peu abîmée par les ans. Un bagage noir sans prétention, sans serrure, quand elle a quitté sa maison pour épouser ton père toutes ses affaires tenaient dedans. Elle avait ça et son trousseau blanc brodé à la main. 
De sa voix douce et claire, elle te prie de l’excuser, mais il est temps. Temps de quoi? L’excuser de quoi?
De repartir, de te laisser, d’être ta mère. Ta mère sait tout. Elle sait que les femmes sont jugées coupables dès la naissance, que la société ne leur pardonnera rien. Elle ne l’a jamais dit mais elle a imprimé ce fait en elle, toutes les mères sont coupables et c’est injuste. Elle pourrait te dire que nos mères ont fait couler en nous des larmes de sang, qu’elle les regarde en arrière et voit des oiseaux pris dans leurs cage, les ailes meurtries à force de se débattre. 

Elle pense à ma mère, un animal vaincu et révolté dont l’âme savait encore pleurer, dont les yeux perdaient parfois de leur dureté pour redevenir ceux d’une jeune fille dont la porte est encore ouverte sur la lumière. Elle se souvient d’une femme qui a combattu sa vie entière contre la culpabilité qu’on infligeait à ses sœurs et elle. Elle n’a pu vaincre qu’une fois son pouvoir géniteur disparu, qu’une fois qu’elle était devenue ancêtre, qu’une fois que le cancer était installé et là enfin un sourire s’est dessiné sur son visage, le figeant dans la mort.
Oui, elle sait tout cela, elle te regarde et voit sa culpabilité de mère s’inscrire sur tes traits. Elle aurait aimé qu’ils soient réduits au silence, ces maudits thérapeutes avec leurs incessantes rengaines sur Freud et son blâme permanent de la maternité, pour qui tout est la faute de nos mères, ou plutôt de la mère de nos mères et de toutes celles avant elles, qui ont enfermé leur cœur palpitant dans la pierre froide et dure, qui ont enterré leurs sentiments endeuillés de leurs espoirs, empreints d’amertume, elles ont déposé leur propre être aux pieds de la sacro-sainte tradition, des usages du monde et de la respectabilité.

Les hommes disent que les mères forgent les suivantes en un collier de perles brisées qui se ressemblent toutes avec le temps, mais ce sont avant tout des femmes, qui se laissent envahir par leur mère et celle de leur mari, par leur compagnon, leurs enfants et la culpabilité incontournable qu’on leur lance en permanence au visage. 
Ta mère est un roc. Elle s’est regardée en face et s’est jugée non coupable, elle a absout ses sœurs de son propre chef. Cette femme simple dans sa chaumière, dans la poussière de la campagne, est plus en paix que nous et nos diplômes.

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Chapitre 8.

Ton père lui est resté au village. Ce fermier silencieux dont la vie est liée à la terre t’a envoyé sa femme. Comme elle il n’est pas enclin à dévoiler ses sentiments, 
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the ladle (translation)

22 juillet 2009

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I am never happy with my translations (I think each language has its own music, and it’s darn hard to transcribe one to the other : this isn’t a ppt slide presentation…). But here it is. Feedback is appreciated, as always. ;)

 

He picks the object up and trots outside. Climbs down the rocky stairs. He’s unsteady and cautiously holds the border on which small yellow flowers wander. When you’re two and a half years old, steps are still a dangerous adventure. The courtyard’s surrounded by trees and unkept herbs, he sits down on the gravel, crossing his legs. It’s shiny. There’s a long handle, and then it becomes widder. The child tilts his head, and looks at the way his face is reflected in a deformed and twisted way. It’s a ladle. A simple ladle made of metal, the kind that’s found on the cheap shelves. You have to bend low to see them in the supermarket’s alleys. It’s old, there are traces where one had to scrub hard to keep it clean. Time and abandon tarnished its initial brightness.

For him, it’s neither a cooking nor a weapon device. It’s a curious and amusing deforming mirror.

 

Not far from him, his mother, who spreads the laundry. She’s thin, with slight fingers. She busies herself in silence, her face smooth and nontelling. The line oscillates to the wind’s whim, and shakes the wet sheets. Some hair escaped from her bun. Long, light hair. She pulls a few pins from her pocket and adjust herself. The linen lines up and behaves, like the child. It’s an idealistic picture, this pale sun, the breeze, spotless laundry, a woman, and her child.

*

It’s like she sows them, her hairpins.  It’s often that her husband collects them. He does so without a thought. He likes it. They are to be found in his pockets, his car, in his files. Each smells like his wife, like his wife’s shampoo. He likes slidding his hand in his pocket, hoping to find a small item, a handkerchief, a pen, and have this exquisite surprise, like a breath of air and poetry in his day.

The first time he saw her, it was from afar. She was dressed in white with a blue apron, and she was picking up blackberries with a group of young girls from the neighbouring village. He saw her before he heard her sweet voice, and yet, still, he was intrigued. Attracted. After, he had to be formely introduced, some rules aren’t to be played with, and then get to know her. He had to make sure the person was as nice as the facade. That’s how his mother would have put it. Probably. He tries not think of it, of his mother. He wanted to get married and have children, he needed a companion who would be sweet and loving, and above all who would not be like his mother.

*

The child stays on the gravels. He looks at the light playing on the ladle and escaping from it to crash on the neighboring tree’s trunk. He shakes the ladle and the light dances and silently he laughts. He knows he must be quiet. And there he stays. Neither too far nor too close. He doesn’t read his mother’s moods well enough in order to know when « It » might burst. The storm. It’s so quick, quicker than clouds in the sky. There was only one that was real, one thunderstorm. He was too small, he doesn’t remember, but his body kept memory of it. The small storms, since, scare him but never hurt. A shadow on his mother’s face, she stays still, all weird, she doesn’t move. He doesn’t know why he’s scared. Why he’s stiff all of a sudden, and daren’t move until she breathes. Until she straightens her hair slowly and keeps on tending to the laundry.

 

He does not know. When it may happen. He ignores the words to call and name it. He needs to stay, neither too far nor too close. Enough to be under her gard, enough not to croud her.

 

His Mummy is beautiful. She hums softly when she cooks. She smells good like soap, washing powder and fresh mint she grows in the garden. It’s his fault surely. He must be guilty. If only someone could tell him of what, so he could fix it.

*

She wanted him, this child. When he was born, she loved him without thinking about it. This so fragile and warm thing. This new being, this part of her and him, of her husband and her. The hours spent over his craddle, admiring him, overwelmed with a great wonder. She tiptoed in his room at night to check that he was well alseep. Until he was three months old.

 

She’s not really sure. Are things ever simple and constant. How it started, which event preceeded the other. In her memory, everything’s dark and tired, thinking about is too painful. Going back, it’s so hard. Except in the morning, very early, when the house still sleeps. She looks at herself in the bathroom, she looks at herself forever with unknown harshness. She confronts the bad mother facing her, she judges her and curses her. And because, if we’re not condemned to be evil, we aren’t assured to be good either, she tightens her fists, hard. Very hard. Enough so that the nails hurt. Her husband doesn’t hear, her husband thinks she’s wonderful and perfect. He cannot dream of the volcanoes seething inside her. She goes back to bed.  Her husband wakes up, gets up. He looks at her face and kisses her mouth and her eyelashes.

Her husband loves her, but she, she does not deserve his love.

*

The first time, the first time he came between his father and his mother, he was six. When you’re six, you don’t sleep at night and you hear the adults’ screams. Harpies’ screeches,  followed by accommodating rumblings….

When you’re six, you’re a knight who saves princesses during the day, and you hide under your duvet to escape from the night’s ugliness. He never sees anything. He imagines. It’s worse and it’s terrible. The first time he came between his mother and his father, it was hard, getting out his bed, and then his room. Walk down the hallway in the dark, until the ray of light coming from the half closed livingroom door. From a mess. His father in a corner, half kneeling, his arms in front of his face. She. Her back. An object in her hand. A menacing brandished hand. He didn’t see what it was. There was no time, he was already running to stand in front of his father.

 

He didn’t know this could exist, between an father and a mother. He knew only of verbal abuse. As it is, he knew of nothing else, for him, that was normality.

 

He imagined so many terrible things, so many monsters. A crack finds its way into his heart, a rift that will never go. You can’t erase such a wound. It can only grow until it explodes, unless you nurse it and stop it’s progression. And so it stays, though one can hardly see it. Evidence stamped into his flesh and self.

 

The first time he came between his father and his mother, it was also the last.

The police will say that she was sober. That’s what his father will tell him with a rusty voice. Much later, the only time they’ll ever acknowledge this. His father will free him, and he’ll go on, looking for a woman, a wife, some one who won’t be like his mother, in order to live the exact opposite from his childhood.

 

But on this night, he’s too damaged, too broken, this child, who’s only six years of age. He will wake up hours later in pain and his hospital bed, his father so small on the armchair next to him. A father with a stricken and guilty face, a man with a new resolution in his eyes.

It’s crazy, the damages you can make with a ladle.

He will never see his mother again. He’s had at least that, this protection. His father protected him with his body first, and then with the law.

*

When he reached 3 months, the baby started screaming. At night. He’d wake up and wail until she’d hold him, there was only her, his father could take him all he wanted, it didn’t change anything, and then, he had to go to work, he needed sleep. She doesn’t know anymore if he started crying at night or if her milk started to dry up. There was this sadness that had colored everything in shades of grey. The nurses look for bread crumbs from breakfast to check if every-thing’s all right when they visit for tea, to discern a depression in a woman. There were no bread crumbs in her house. Only a screaming child who wouldn’t stop, and for whom no doctor had any diagnoses. Change milk. Change soap. Relax, a child needs an unstressed mother you know. The baby’s fine. It must be you.

 

He would calm down somewhat in the evening, when her husband came home and ate quietly while telling them about his day. Her husband, he hasn’t noticed anything out of the ordinary. His wife had lost weight rapidly. There were dark circles under her eyes. Having a newborn, it’s tiring. His wife is amazing. The child was confused between light and dark, and cried at night. But surely, during the day, you catch up while he naps, right? She gives him what he wants. She agrees, she smiles. He’s a happy man.

 

The child screams and the mother does not sleep. One day, she loses it. He’s nine months old. She can’t take it anymore. There’s a cushion there, right next to the cradle. The cradle in which she puts her child, everyday, and she stays next to him, twists her hands without scraping herself as she’d like. To keep the facade pretty. Smooth and serene.

There’s a cushion and the child is crying and she’s screaming too, until there’s only the sound of her voice left, a savage howl, a pain expressed at last. It’s her child’s silence that breaks her trance, and she doesn’t understand.

 

What. The cushion, the child.

 

She cries again, but out of fear. The child moans. She holds him tight next to her and runs away from the house. She goes and see that old doctor – he’s almost retired – whom the Butcher’s wife told her about. It’s  a bit far, it’s not practical. The car runs a little too fast, the turns shake the baby seat on which the child stays, sitting up-right, his eyes wide open. She was not expected but he sees her right away. He keeps her in for a whole hour. Beholds her in a neutral yet friendly gaze. He listens to her incoherent words and hears her unspoken words. The old doctor – he’s almost retired. Had he been younger, he would have probably called social services, but at his age, he’s seen so many mothers, this one needs help and that’s all. He keeps her a whole hour, examines her child, examines her too. He prescribes plants in drops for the child and for her little granules that taste like sugar. It won’t hurt you, there there, I’ll see you in three days. It’s  a bit far, it’s not practical. She’ll come back three days later, as planned, and then a week later. The consultations become slowly less frequent, two weeks, and then a month. She stays an hour every-time, and she talks. She leaves with a prescription for sugary plants. The old doctor does not count his time. He looks at her and listens, and her child hears what she needs to say, and he becomes quiet.

*

One year later, he’s not a talkative child and never takes much space. But all the while, his Mummy, she’s cured. The storms, the shadows on her face, it’s when she sees the harm she’s done. You never know the traces you leave behind you. Her child has forgiven her, he loves her, yet a part of him remains unreachable. She see him playing with such precaution, on his guard. He who won’t let himself be loved. How to fix it? How do you win you child’s love, and earn trust again?

 

This needs time. Acceptance, that it won’t come back at once, and that even later, her child might always be shy of her.

But most of all, she needs to dare.

She flies on him and grabs him high, and she turns, turns, turns and laugh oh so loud. Too loud, for she’s so afraid. Afraid enough to lose her step and fall slowly on the grass, her on the back and he on her, protected. He’s protected and in her arms, regardless of how heavy he is. She’s still shaking from an almost hysterical laugh, and at last she dares hold him very tight with all her ove. She holds nothing back, and she doesn’t break him. She dares ask for his forgiveness and repeats ’till she’s breathless IloveyouIloveyouIloveyou…

*

He stiffens immediately. Terrified. Paralyzed. Without so much as a gesture to save himself. He lets her take him and accepts in advance whatever might be coming from her, yet closing his eyes a little just in case.

When he opens them, the world is spinning around him, and the only thing still is his mother’s face, turned towards him while she makes him flight higher and higher. They fall all of a sudden, but she holds him tight and he doesn’t feel anything. Other than her smell and her warmth. He hears her love song that rocks him with a forgotten feeling.

He knows. His finger loosen and he lets go. His father will find his ladle when he’ll come back in the evening, abandoned on the doorsteps. He will tip toe in his house and watch his wife and boy cuddled asleep on the couch.

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La louche

18 juillet 2009

Il ramasse l’objet et trottine dehors, descend l’escalier de pierre brute en titubant légèrement, se tenant avec précaution à la bordure sur laquelle vagabondent des petites fleurs jeunes. A deux ans et demi, les marches restent une aventure à l’issue incertaine. Il s’assied en tailleur sur les cailloux, dans la cour bordée d’arbres et d’herbe folles. Ca brille. Il y a un long manche, et ensuite c’est plus large. L’enfant penche la tête et regarde son visage réfléchi de façon déformée. C’est une louche. Une louche toute simple en métal, de celle qu’on trouve dans les étals à bas prix. Il faut se pencher près du sol pour les voir dans les allées. Elle est vieille, on voit les traces là où il a fallu gratter pour bien la nettoyer. Le temps l’a recouverte d’une patine qui témoigne d’un abandon.

Pour lui, ce n’est ni un ustensile de cuisine ni une arme. C’est un miroir déformant curieux et amusant. 

 

Non loin de là, sa mère, qui étend le linge. Elle est fine, elle a des doigts graciles. Elle s’affaire en silence, le visage lisse. La ligne oscille doucement au gré du vent et agite les draps à sécher. Quelques cheveux dépassent de son chignon. Des cheveux longs et clairs. Elle tire quelques épingles de sa poche et les rajuste. Le linge s’aligne sagement, comme l’enfant. Le portrait est idéal, un pale soleil, une brise, du linge éclatant, une femme et son enfant. 

*

Elle en sème partout, des épingles. Son mari en ramasse souvent. C’est devenu machinal. Il aime ça. Il en a dans ses poches, dans sa voiture, dans ses dossiers. Chaque épingle sent comme sa femme, comme le shampooing de sa femme. Il aime glisser sa main à la recherche d’un objet, un mouchoir, un stylo, et avoir cette surprise féminine, comme une bouffée d’air et de poésie dans sa journée. 

Il l’a vu pour la première fois de loin. Elle était habillée en blanc, avec un tablier bleu, et elle ramassait des mûres avec un groupe de jeunes filles de la commune voisine. Il l’a vu avant d’entendre sa voix douce, et déjà il était intrigué. Attiré. Après, il a fallu être introduit auprès d’elle, ça ne rigole par dans les villages, puis mieux la connaître. Il fallait s’assurer que la personne lui plaisait autant que la façade. C’est comme ça que sa mère aurait tourné la chose. Sans doute. Il essaie de ne pas y penser, à sa mère. Il voulait se marier et avoir des enfants, il lui fallait une compagne qui soit douce et aimante et surtout pas comme sa mère.

*

L’enfant reste sur les cailloux. Il regarde la lumière qui se reflète sur la louche, qui s’en échappe transformée et s’écrase sur le tronc de l’arbre à côté. Il agite la louche et fait danser la lumière, et silencieusement il rit. Il sait qu’il ne faut pas faire de bruit. Il reste là. Ni trop près ni trop loin. Il décrypte pas assez bien les humeurs de sa mère. Savoir quand ça va éclater. C’est si rapide, plus rapide que les nuages dans le ciel. Il n’y en a eu qu’un de vrai, un gros orage. Il était trop petit, il ne se souvient pas, mais son corps en a gardé la mémoire. Les petites tempêtes, depuis, lui font peur mais ne lui font jamais mal. Une ombre passe sur le visage de sa mère, elle reste immobile, toute bizarre, et elle ne bouge pas. Il ne sais pas pourquoi, ça lui fait peur, son corps à lui se raidi et de son côté, il ne bouge plus. Jusqu’à ce quelle respire. Qu’elle se recoiff

e très doucement. Qu’elle continue à étendre le linge.

 

Il ne sait pas. Quand ça peut arriver. Il ne connaît pas les mots à mettre dessus. Il faut rester ni trop loin ni trop près. Assez pour être sous sa garde, assez pour ne pas être dans son espace. 

 

Sa maman est belle. Elle fredonne souvent quand elle fait la cuisine. Elle sent bon le savon, la lessive et la menthe du jardin. C’est de sa faute à lui, sûrement. Il doit être coupable. Il faudrait qu’il sache de quoi, et alors il pourrait réparer.

*

Cet enfant, elle l’avait voulu. Elle l’avait aimé sans y réfléchir, quand il était né. Cette chose si petite et toute chaude et fragile. Cet être tout neuf, cette part d’elle et de lui, de son mari et d’elle. Elle a passé des heures à l’admirer dans son berceau, l’esprit empreint d’un grand émerveillement. Le soir, elle entrait dans sa chambre sur la pointe des pieds pour vérifier qu’il dormait bien. Jusqu’à ses trois mois. 

 

Elle ne sait pas très bien. Les choses ne sont jamais simples ni figées. Comment ça a commencé, quel événement à précédé l’autre. Dans sa mémoire, tout est sombre et fatigué, y repenser est trop douloureux. Retourner en arrière, c’est si difficile. Sauf le matin, très tôt quand la maison dort encore. Elle se regarde dans la salle de bain, longtemps et avec dureté. Elle confronte la mauvaise mère qu’elle a en face d’elle, elle la juge et la maudit. Et parce que, si nous ne sommes pas condamnés à être mauvais, nous ne sommes pas non plus assurés d’être bon, elle serre les poings, très fort. Assez pour les ongles fassent mal. Son mari ne l’entend pas, son mari pense qu’elle est parfaite. Il n’imagine pas les volcans qui bouillonnent en elle. Elle se recouche. Son mari se réveille, se lève. Il regarde son visage et embrasse sa bouche et ses paupières. 

Son mari l’aime, mais elle ne mérite pas son amour.

*

La première fois, la première fois qu’il s’est interposé entre son père et sa mère, il avait six ans. A six ans, cela fait longtemps qu’on ne dort plus le soir et qu’on entend les cris des grands. Les glapissements de harpies, les grondements graves et conciliants. A six ans, on est un chevalier qui sauve des princesses le jour, et on se cache sous sa couette pour fuir la laideur du soir. Il ne voit jamais rien. Il entend. Il imagine. C’est pire et c’est terrible. La première fois qu’il s’est interposé entre sa mère et son père, sortir de de son lit, puis de sa chambre a été difficile. Longer le couloir dans le noir, jusqu’à un raie de lumière venant de la porte entrouverte. La porte du salon en désordre. Son père dans le coin, à moitié à genoux, les bras devant son visage. Elle. De dos. Un objet dans la main. La main tendue, brandie, menaçante. Il n’a pas vu ce que c’était. Il n’a pas eu le temps. Il courait déjà se mettre devant son père. 

 

Il ne savait pas que ça existait. Entre un père et une mère. Il ne connaissait que la violence verbale, d’ailleurs, il ne connaissait rien d’autre, pour lui c’était normal. 

 

Il avait imaginé tant de choses terribles, tant de monstres. Une fêlure s’introduit dans son coeur qui ne partira jamais. Une fêlure, ça ne s’efface pas. Elle ne peut que grandir jusqu’à éclater, à moins qu’on ne la soigne et qu’on ne l’empêche de progresser. Elle reste cependant, aussi fine soit-elle. Témoin gravé dans sa chair et son être.

 

La première fois qu’il s’est interposé entre son père et sa mère, ce fut aussi la dernière fois. 

La police dira qu’elle était sobre. C’est ce que son père lui répétera plus tard d’une voix rouillée, la seule fois où ils en reparleront. Libéré, il partira alors à la recherche d’une femme, d’une épouse, de quelqu’un qui ne sera pas comme sa mère,  pour vivre exactement le contraire de son enfance. 

 

Sur le coup, il est trop abîmé, trop cassé, l’enfant de six ans. Il se réveillera des heures plus tard dans la douleur et son lit d’hôpital, un père tout petit sur la chaise qui le regarde sans pouvoir le toucher. Un père au visage coupable, un homme au regard enfin résolu. 

C’est dingue les dégâts qu’on peut faire avec une louche. 

Il ne reverra jamais sa mère. Il aura eu au moins ça, cette protection. Son père l’aura protégé d’abords avec son corps, puis avec la loi.

*

A trois mois, son enfant s’est mis à crier. La nuit, il se réveillait et hurlait, jusqu’à ce qu’elle le tienne, il n’y avait qu’elle, son père pouvait le prendre cela n’y changeait rien, et puis, il devait aller travailler, il avait besoin de dormir. Elle ne sait plus s’il a commencé à pleurer la nuit ou si l’allaitement à commencé à tarir. Il y avait cette tristesse qui avait teinté son existence de gris, aussi. Le sentiment de ne rien faire comme il fallait. Les sages-femmes recherchent les miettes du petit-déjeuner pour voir si tout va bien, pour déceler une dépression chez une maman. Chez elle, il n’y avait pas de miettes. Il y avait un enfant qui hurlait, sans cesse, et pour qui aucun médecin n’avait de diagnostic. Changez de lait. Changez de lessive. Détendez-vous, un enfant, ça a besoin d’une maman zen vous savez. Le bébé va bien. Ca doit venir de vous.

 

Il se calmait un peu le soir, quand son mari revenait et dînait sereinement en leur racontant sa journée. Il n’a rien décelé d’anormal, son mari. Sa femme avait rapidement maigri. Elle avait des cernes sous les yeux. Avoir un nourrisson, c’est fatigant. Sa femme est formidable. L’enfant était décalé, il pleurait la nuit. Mais sûrement, vous vous rattrapez pendant les siestes n’est-ce pas? Elle lui donne ce qu’il veut. Elle acquiesce, sourit. Il est heureux.

 

L’enfant crie et la maman ne dort pas. Un jour, elle craque. Il a neuf mois. Elle n’en peut plus. Il y a un coussin, là, juste à côté du berceau. Le berceau où elle place son enfant, tous les jours, et elle reste à côté, en se tordant les mains sans les griffer comme elle voudrait. Pour que la façade reste jolie. Lisse. Sereine.

Il y a un coussin et l’enfant crie et elle crie aussi, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que le son de sa propre voix, un hurlement déchiré, une souffrance enfin exprimée. C’est le silence de son enfant qui la sort de sa transe, et elle ne comprend pas. 

Quoi. Le coussin, l’enfant. 

Elle crie encore, mais de peur. Son enfant gémit. Elle le serre contre elle et s’enfuit de la maison. Elle part voir ce vieux docteur presque à la retraite dont la bouchère lui a parlé. Il est un peu loin, ce n’est pas pratique. La voiture va un peu trop vite, les tournants bousculent le siège bébé où l’enfant reste droit, les yeux grand ouvert. Elle n’était pas attendue, mais il la reçoit tout de suite. Il la garde une heure. L’enveloppe d’un regard neutre mais bienveillant. Il écoute ses propos incohérents et il entend ce qu’elle ne lui dit pas. Le vieux docteur presque à la retraite. Il aurait sans doute fait le 119 s’il avait été plus jeune, sauf qu’à son âge, il en a vu des mamans. Celle-ci a besoin qu’on l’aide, c’est tout. Il la garde une heure, ausculte son enfant, l’ausculte elle aussi. Il prescrit des plantes en goutte à l’enfant, et pour elles des petites granules au goût de sucre. Ca ne vous fera pas de mal. Allez, repassez me voir dans trois jours. Il est un peu loin, ce n’est pas pratique. Elle repassera le voir dans trois jours comme prévu, puis ensuite une semaine après. Les consultations s’espacent doucement à deux semaines, puis un mois. A chaque fois, elle reste une heure, elle parle. Elle repart avec une ordonnance pour des plantes en granules. Le vieux docteur ne compte plus son temps. Il la regarde et l’écoute, et son enfant entend ce qu’elle a besoin de dire et il se tait. 

*

Un an plus tard, il est économe de mots et ne prends jamais beaucoup de place. Pourtant, elle est guérie la maman. Les tempêtes, l’ombre sur son visage, c’est lorsqu’elle constate les dégâts. On ne sait jamais les trace qu’on laisse. Son enfant l’a pardonnée, il l’aime, mais une part de lui reste retirée. Elle le voit qui joue avec précaution, sur ses gardes. Qui ne se laisse pas aller à être aimé. Comment réparer? Comment peut-on récupérer l’amour de son enfant? Retrouver la confiance?

 

Il faut du temps. Il faut accepter que cela ne revienne pas tout de suite, et même que plus tard, son enfant reste toujours un peu sur la réserve. Surtout, il faut oser. 

Elle fond sur lui et le soulève dans ses bras, et elle tourne, tourne, tourne en riant, très fort, si fort. Trop fort, tellement elle a peur. A en perdre pied de vertige, à en tomber mollement sur l’herbe, elle sur le dos et lui sur elle, protégé. Dans ses bras, malgré son poids. Toujours en riant d’une joie quasi hystérique, elle ose enfin le prendre et le serrer d’amour sans retenue et sans le casser. Ose demander pardon et répète à en perdre le souffle « jetaimejetaimejetaime ».

*

Il se raidit tout de suite. Affolé. Paralysé. Sans un geste pour se sauver. Il la laisse faire en acceptant d’avance ce qui lui viendra d’elle, en fermant les yeux un tout petit peu quand même. Quand il les ouvre, le monde tourne autour de lui et la seule chose qui ne change pas, c’est le visage de sa mère tourné vers lui, lui qu’elle fait voler et tourner plus haut en riant. Tout à coup, ils tombent, mais elle le garde fermement contre elle et il ne sent rien. Rien que son odeur et sa chaleur. Il entend le chant d’amour qui s’élève d’elle et le berce d’un sentiment qu’il avait oublié. Il sait. Ses doigts se délient et lâche l’objet qu’il avait ramassé. Son père retrouvera sa louche plus tard, abandonnée sur le perron. Il entrera à pas de loup dans sa maison et regardera sa femme et son enfant endormis ensemble sur le canapé. 

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windy skies

16 juillet 2009

The sky is low. So low I feel how far it is from me. I can apprehend the distance. I can tell it's very far, and yet that the rain is near.

And I feel small and like I'm nothing, but that's OK.

I can stretch and feel the wind. It twirls around me, my hair, my clothes, it's not just touching the tip of my fingers. It sings and howls, it turns and make me walk. I must claw my feet in the sand, clench my fists and ground myself. Or I can close my eyes and walk freely, my head turned upwards in a giddy song. No laundry to play with today, but if I must run after my sheets and catch them in the bushes, I think I'll be OK with that.

I feel drunk. Five days detoxing from coffee, alcohol, candy and make up, and I'm drunk and dizzy, and I want to run and I'm five again. The real fivers are already running. I watch them and laugh, and I run after them and their red kites.

Kites are fun. Kites are a kindom. They fly high for you, higher, more, make it high Mom, until it's but a red spot in the clouds. But see, the string. It's in my hand, and now it's in yours. Take it. Run. You're the king, and see how the kite has to follow you. Kites dance too.

It is all right. I am small, I am nothing to this magestic nature. I can only rule my kite, and my kids

The sky is low, the sky is dark. It holds menacing rain.
Not some celtic joyful drops. Here, it can rain and yet you'll still be sunburned. Today the clouds dance too, pregnant with water. And then we'd have to run somemore, to the car, fast, see, we're all wet with sandy feet. We can only guess the light trying to get through, and we must go on with our kites, defying the rain that still won't drench us. And so, we too dance. Dance in the wind, dance on the sand. There is nothing to remember, nothing to forget. Tonight, we won't think. We'll rest in profound dreamless sleep, a happy, truly restful journey for the night.

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Grand ménage avant de rebondir

14 juillet 2009

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OK j’ai menti. J’ai aussi écrit ce soir. La Bretagne m’oblige à avancer en me dépouillant peu à peu des poussières et des araignées polluant mes tiroirs. A une certaine heure, les lettres de motivation deviennent confuses.

Je ne suis pas sûre que ce texte fasse partie des Larmes de Pierre, en fait je suis même certaine qu’il n’y trouvera pas sa place – ça, Flobor pourra me le confirmer. En tout cas c’est sorti d’un coup (…merci de me signaler les fautes d’orthographe). J’ai sans doute encore quelques deuils à faire ici avant de pouvoir continuer sur autre chose de plus intéressant. Bear with me…

#inspiration : Environnement musical de DJ Tony Hayes 

 

Seule. Fatiguée. Lessivée. Avec toujours cette obligation de vivre et de continuer. 

Malgré tout. Malgré l’image de mère et d’épouse dévouée, malgré le carcan que tu t’es construit.

Car il faut aller de l’avant, même si ce n’est qu’une fuite, pour toi, rester immobile serait aussi insupportable que de reculer. 

 

Tu oublies de t’arrêter pour faire le point. 

 

Le point sur quoi? Les réponses, tu les connais. Elles sont là, devant toi, énormes. Il suffirait d’avoir le courage d’admettre leur existence. D’avoir le courage de tout bouleverser, de confronter le bon et le mauvais et d’assumer qui tu es. Que ton entourage ne décèle pas tes faiblesses et tes manques, que personne ne jette tes failles à la figure, t’est incompréhensible.

 

Tu effaces le tri que tu as fait.

 

Ce à quoi tu tournes le dos, les changements que tu refuses de faire ont pris toute la place dans ton esprit, à un point que te regarder dans la glace, dans le regard des autres, dans le miroir trop fidèle qu’ils te renvoient, t’est insupportable. Tu divorces avec un certain nombre d’entre eux. Seuls restent ceux qui savent te mentir, qui ne voient pas  ou qui s’en foutent. Ceux qui sont facile à vivre, auprès de qui tu ne te sentiras pas défaillante. 

Tu te sépares de tes amis les plus précieux, ceux qui te voient et t’acceptent, ceux qui t’aiment et t’attendent, qui te laissent être qui tu as décidé d’être. Qui ont conscience que tu ne feras peut-être jamais le Travail. 

 

Peut-être que nous ne t’aimions pas assez, si tu étais si malheureuse à nos côtés.

Ou peut-être, aussi, que nous avions nos propres vies et que nous ne pouvions plus être absorbés par la tienne.

 

Tu ne donnes aucune explication, nous devrons trouver les réponses nous-même. Tu deviens absente du jour au lendemain, n’offrant qu’un rejet silencieux, aveugle, violent. Un rejet que, de fait, mon fils recevra de plein fouet. Car en te séparant de moi, tu te sépares aussi de lui et de l’engagement tant moral que spirituel que tu avais pris.

 

Nous ne sommes plus en maternelle. Que tu ne m’aimes plus, que la vie puisse t’être heureuse sans ma présence, ou encore que je ne corresponde plus à ton standing, je peux l’entendre. D’une oreille, et en trouvant cela futile. Avec un regret doux amer dont je me remettrai.

Que je mette

un moment à comprendre, que je passe du temps à me torturer, et si, et comment, et pourquoi, que je me remette en question, quelque chose que j’aurai dit, que j’aurai fait, que je n’aurai ni dit ni fait… ça aussi, finalement, c’est mon problème. Je passe par les étapes, doucement, je les caresse presque. Au fond, je sais déjà pourquoi.

 

Qu’un enfant en subisse les conséquences et puisse se sentir indigne d’être aimé, un enfant déjà si fragile derrière sa carapace de chevalier, je ne l’ai toujours pas pardonné. Une mère est synonyme de possibilités et de ressources infinies. Surtout si on touche à son enfant.

 

Heureusement, il existe dans son monde coloré des fées qui se penchent sur son berceau, dont une en particulier avec qui il partagera des jeux parfumés à la confiture. Une jolie fée qu’il adoptera avec autant de fougue qu’elle prendra naturellement sa place auprès de lui. Ils se forgent un lien qu’on ne peut forcer et qui se sera créé car ils le voulaient bien. 

 

Finalement, que tu te sépares de mon fils, c’est peut-être le plus beau geste que tu auras eu envers lui. Même si je ne t’ai pas pardonnée, même s’il n’aura jamais à te pardonner car il t’a déjà oubliée. C’est grâce à cela qu’il est aujourd’hui plus heureux que lorsque tu existais. 

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Surprise dans les marguerites

10 juillet 2009
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Le facteur est un farceur…

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Fraises des bois

8 juillet 2009
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Tout ce temps à chercher l'endroit idéal pour un potager.

En réalité, mon jardin a déjà choisi pour moi.
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Faits Divers (French)

8 juillet 2009

Elle se penche sur leurs visages, doucement, en silence. Elle ne pense à rien. Son souffle réchauffe un instant leurs joues dans cette chambre si froide. Sa main s'approche avec tendresse et remet  tristement une mèche en place. 

Ce geste de mère, elle n'y a plus droit, mais elle ne s'en rend même pas compte. Remettre les mèche en place de ses enfants fait partie de ces nombreuses choses que les femmes font sans plus y penser. C'est comme ramasser les chaussettes qui traînent, penser à laver leur peluche préférée ou refaire le noeud de leur écharpe. 

Elle est partie en laissant ça derrière. Le poids du quotidien, ces chaînes devenues insupportable, suffocantes, qu'elle a fuit un jour. Un jour, partie avec son sac, son portable, son désespoir de vivre. Elle s'est dévêtue de son manteau d'amour, de mère, d'épouse, comme ça, sans explications. Sans regarder en arrière, ou du moins pas tout de suite, sachant que sa survie dépendait de ça, de regarder en avant, sans réfléchir, de suivre son instinct et de mettre un pied devant l'autre, de plus en plus vite, jusqu'à sortir de la rue, du quartier, de la ville, jusqu'au RER, puis la gare, jusqu'au train qui l'a emmenée à l'autre bout du monde, un monde sans le quotidien, sans la poussière, la vaisselle, les couche à changer, le mari toujours en retard, ses trois kilos en trop, la moustache élégamment taillé avec coquetterie, tous les matins après l'amour, après l'amour avec sa femme qu'il ne voit plus, sa femme qu'il aime comme au jour de leur épousailles, avec sa longue robe blanche et son teint illuminé, et aujourd'hui, deux enfants plus tard, il ne voit pas le changement en elle, il ne remarque pas les signes de l'âge, ou plutôt, s'il les remarque, ils ne le dérangent pas, car c'est avec elle qu'il a décidé de vieillir, de devenir plus flasque, plus essoufflé, plus dégarni, et il ne comprend pas, il ne comprend pas son insatisfaction, sa frustration, pourquoi serait-elle malheureuse alors que lui est comblé, que leurs enfants sont si beaux et en bonne santé, il n'y a rien à voir, rien à comprendre, pour lui, sa femme est parfaite et lisse, et du combat qu'elle a mené pendant trop d'année entre les murs de leur maison, une maison où il ne manque rien, il ne devinera jamais rien. De la raison de ses absences, des murs vides qui l'accueillent tous les soirs alors que ses enfants sont confiés "temporairement" à ses beaux-parents pour quelques heures. 

C'est ingrat, de tout laisser tomber du jour au lendemain, de partir acheter le pain et de ne jamais revenir, le bruit de ses pas sur le pavé qui claquent en écho à son coeur affolé, à son souffle rapide et douloureux, elle ne comprend pas tout ce qui lui arrive mais elle le devine, elle le sait, comme les femmes savent toujours, d'un coup d'oeil, d'une intonation de voix, une hésitation infime et elles savent, et comment lui, cet homme aurait-il pu comprendre —ce sont toujours les même mots qui reviennent, comprendre, savoir, deviner, ce sont des mots qu'on ne prononce pas, qui n'existent que dans le silence, le non-dit, et l'on ne peut que se demander ce qu'il se serait passé si ce déni n'avait pas existé, si la parole les avait fait exploser avant qu'ils ne puissent naître, alors elle ne serait pas là, aujourd'hui, dans l'interdit de ce geste, penchée sur ses enfants qu'elle aime sauvagement, intensément, d'un amour pourtant insuffisant pour la sauver elle de l'orage qui a tout balayé, qui a tout ravagé dans sa vie, dans leur vie.

Elle est partie. Elle est revenue. Ce soir.

Et lorsqu'elle est prise en flagrant délit de présence, d'amour, en flagrant délit de retour, c'est alors que la colère prend le dessus, qu'il a ce geste malheureux et ineffaçable. La violence prend le pouvoir, sa douleur ressurgit d'un coup, d'un seul, et ça suffit. Le corps humain est si beau et si fragile, lui qui n'avait jamais eu le moindre geste violent, il n'a suffit que d'une poussée, si brève, si légère, pour la faire basculer contre ce coin de table. C'est ce qu'il dira aux forces de l'ordre. 

Le sang jailli de sa tête et asperge le tapis du salon.

C'est à son tour de vouloir s'enfuir, tourner des talons, mais non, c'est impossible, ses pieds sont trop ancrés au sol, ou peut-être n'est-il pas assez intelligent. Alors il faut agir vite, vite, avant que les enfants ne se réveillent, avant qu'ils n'ouvrent les yeux et ne voient leur mère de retour, pauvre petit chiffon recroquevillé au milieu du salon, le visage invisible caché par ses cheveux fins, et ce sang trop vif, à l'odeur puissante et inévitable – il faudra aérer longtemps, une fois qu'il aura caché le corps, une fois qu'il aura vidé la pièce de ses témoins gênant. On disait autrefois que les objets sont muets, mais ils sont aujourd'hui les premiers accusateurs de nos actes, il suffit de si peu de chose, un bout de cil, une goutte de sang, une pellicule insidieuse tombée de nos cheveux, et l'on sait tout de nous. Notre marque de shampooing, de parfum, de cigarette, de crème hydratante. 

Après, après ces instants de stupeur, il appellera lui-même la police.

Tu lis cet article avec ironie, il n'y a que dans les journaux que l'on trouve ce genre d'histoire invraisemblable. Dans un film, le public aurait rit et serait reparti incrédule. 

Que l'article ne rassure pas quant au devenir des enfants, cela tu ne le remarques pas. Insouciante alors, ton rire avait résonné, bref, sonore, irréfléchi. En général la rubrique des faits divers te paraissait trop sordide, à lire seule, cela pouvait créer des cauchemars aux effets  effrayants. Mais avec moi, dans le jardin au soleil, un thé sur la table, cela devenait amusant, irréel, impossible. Imaginer une seule seconde que des êtres parvenaient à un tel état de détresse, c'était drôle et incongru. 

Involontairement cruel aussi. 

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I wrote this one for Coos

6 juillet 2009

A long time ago. It had just happened.

I can't believe I never shared this with you. I guess I'm not all that daring after all. 

I hope this is OK. I have no idea really, of what it was like for you. I could only guess from over the arms of the sea.
Ain't your boy strong.
oxox

First there's a shock. An invisible shift, your heart freezes for eternity  yet when you wake up not a second had passed. Then you move, quick, there's no time to think, no space for hesitations. Adrenaline shoots your veines and takes over as you rush over to the hospital. Between these two moments, the shock and the move, you can't rely but on what you know, who you are, your primary instincts as a mother.

It's hard to come down. 

So strong was the urgency, so powerful the adrenaline, your heart beating so fast it hurt. But you only notice it now, the pain, the powerful wave of exhaustion, of relief. The surprise that it's over. Your child's been taken away, away from you, in another room and you're sitting on a chair in the hallway.

There's paperwork, there's waiting. 

For the doctor, the nurse, for someone to tell you it's over, it's OK, rest tranquille mother of a child. Your memory won't keep these images of white blouses hurrying around him in a purposeful silence. Only a glance suffises to tell — they've seen so much already, this is nothing. They've seen enough yet no time must be lost. You and them know that he can't breathe, he could but a minute ago but now if oxygen doesn't rush soon he'll die. 

It only takes a shot. It only takes ten seconds, less than it took to eat that cracker. In a swift move, the needle is in and out, you child's eyes flutter and he falls asleep, breathing, saved.

What could he understand? Of what happened to him, what will he remember? Of the consequences, what can you explain?

You come home and raid your cupboards, plastic bag in hand, you come home angry at yourself and at the universe and rid it of any susbtance that could harm him again.

The next day, you keep all your children home. As if the world could hurt them all now, your daring children that only a forthnight ago peered over an Irish cliff, by the tormented sea. You need them close, withing an arm's touch. Already you're so far ahead, planning school, meals, shopping lists. Because it's not over, it's only starting. The industry is so keen on surprising mixes, death could be anywhere, lurking around an ingredient list. 

You're still coming down but as you count, one, two, three, it's easier to let air in.

(My parents gave me these moments. Twice (and twice more). 
For Isa, twice, if not two times twice. 
For Fred, twice (I'm adding the surgery to the penicillin), and now over and over and over… 
Boy, ain't we strong gals. Ain't I lucky my kids are fine. It won't ever end, this worrying over their safety. Once a parent, always a parent.
I can forgive mine now I think. I understand their equation of safety over freedom. But I hope I can trust my children more and let them have both.
oxox)

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Libre

5 juillet 2009

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On m’a rappellé dernièrement que nous n’étions certainement pas esclaves de nos propres blogs. 

 

La tendance qui se dessine ici, c’est que le français me permet d’inventer des histoires, et l’anglais d’exprimer les miennes. 

 

 

A plus tard, donc.