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Extrait tempêtueux

21 mars 2011

Quatre extraits pendant et après la tempête, mis en ligne en février sur le convoi des glossolales… Bonne lecture!

Elle est encombrée de fatigue, ses yeux peinent à rester ouverts. Elle continue néanmoins à rouler droit devant elle, agrippée au volant comme à une bouée, le dos vouté et penché en avant comme pour mieux voir la route. Les arbres s'inclinent au-dessus de sa voiture et la protège de la pluie et du vent. Le vent malmène des branches, craquèle des troncs et mélange le sol à l'air, soulevant poussière, terre, graviers. Allez, allez… presque arrivée… Sa gorge est sèche, sa voix éteinte, elle se sent sale des heures passées à foncer la route. Elle songe au thé chaud qui l'attend, au bain reposant, à la sécurité des murs en granits. Elle doit atteindre son refuge avant que la tempête ne se déchaine, sinon… Sinon l'être aimé risque de l'attendre vainement, lumière vacillante, dîner refroidissant, avec pour seule compagnie la colère des cieux grinçant le toit.

* * *

Le vent siffle dans les arbres aux bras décharnés. La pleine lune peine à renvoyer sa lumière à travers les lourds nuages qui traversent rapidement le ciel. C'est soir de tempête, c'est une nuit mauvaise. De ses doigts tremblants, tante Jeanne gratte une allumette sous la casserole. Le gaz lance des flammes bleues et réchauffe la soupe d'oncle Phil. Ses sorties varient en fonction des marées. Le temps d'amarrer, de décharger à la coopérative et de faire peser et évaluer ses prises, il ne devrait plus tarder. Pour une fois, il n'affrontera pas la tempête en mer, simplement en voiture sur le chemin du retour. Tante Jeanne l'attendra au coin de la gazinière, sa cuillère en bois remuant doucement le souper.

* * *

Tu te réveilles après la tempête et tu ne sais plus exactement où tu es. L'eau du ciel s'est mêlé à la mer, le vent a secoué ton embarcation. Là, au moment précis où tu sors de l'inconscience, un calme étrange teinté de bleu et de gris, un brouillard planant sur les eaux accueille ton regard. Le ciel d'un noir palissant sombre dans l'aube timide, reflétant tes yeux qui prennent la mesure des dégâts. Tes instruments, toute l'électronique, plus rien de fonctionne. Le sel a blanchi tes mains et tes vêtements, tout est trempé et tu grelottes, dépliant tant bien que mal une couverture de survie et des vêtements secs de ton placard étanche. Tu es seul au milieu de l'eau, sans le repère des étoiles, tes instruments ne fonctionnent plus et tu dérives au gré du courant et des vents. Surtout, tu es en vie.

* * *

Elle plonge, tombe, l'air fouette son visage. Ses cheveux s'emmêlent au vent derrière elle. Elle n'en finit pas de chuter et se dit qu'Alice a du trouver le temps long. Un bruit strident la fait sursauter : elle se réveille.

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