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Départ

26 mai 2010

Tu ne sais pas pourquoi tu es partie. D’où t’es venue cette certitude qu’ici tu allais t’éteindre à petit feu et ton salut passait par une vie ailleurs. Tu es partie sans prévenir. Les tiens, les autres, ton job, ton appartement. Ta vie. Tu es partie dans une grande inspiration, très vite et sans réfléchir.

 

Il ne fallait surtout pas réfléchir. 

 

L’évidence est si forte, elle t’atteint en en plein visage au réveil, comme une giffle froide. Ton coeur s’emballe un court instant et tes mains se crispent sur vos draps blancs, l’esprit paralysé sur la vision de ton départ, sur cette certitude si fermement ancrée en toi. Tu attends quelques secondes, tu regardes en face cet instant où tu n’es pas encore partie puis tu te lèves, ton corps ici et ton esprit là-bas. Tu prends une douche rapide, relevant tes cheveux longs dans un chignon à la diable, tu déambules nue dans ton appartement, tes pieds fin frôlant le parquet brillant, tes longues mains choisissant les quelques vêtements et objets que tu ne laisseras pas derrière toi. Choisissant enfin une petite robe légère et des sandalettes. Les papiers, les clés de la voiture. 

 

Tu as mis des années à prendre ce départ. Même si tu laisses quelqu’un derrière, le reste sera plus facile : il suffit de respirer, il suffit de vivre, de tendre ton visage au vent en fermant les yeux, de tendre tes bras et de valser les pieds dans le sable humide.

 

Là-bas, plus loin, existe un port tranquille niché entre rochers et falaises, bordé d’une plage au sable granuleux et presque rose grâce aux coquillages amenés par la marée. Il a gardé ton enfance et tes rêves, il a regardé ton corps grandir, maigrir, guérir.

 

Tu sais pourquoi tu es restée. 

Si longtemps. Pourquoi tu as continué à vivre comme si de rien n’était. A te regarder du dehors, de l’autre côté de la vitre. Tu t’es obstinée à te regarder évoluer sur scène, portant masque, costume et maquillage. Jouant le jeu, voguant dans l’absence de désir, voguant sans direction et en te retrouvant toujours au même point, au même jalon de ta vie que tu ne parvenais à dépasser. 

 

Parfois la vie nous rattrape, et que faire alors? Ton âme se mourrait et qu’il n’y avait de salut qu’ailleurs. C’est un peu grandiose comme phrase, ça ressemble à ce que tu aurais écrit à seize ans dans ton journal. 

 

Pourtant… 

 

Tu conduis dans le silence, écoutant la pluie battre les vitres de ta voiture. Tu conduis dans la pluie vers des côtes ennuagées et ton esprit se souvient d’un chant nostalgique parlant d’une terre aride et brûlée par le vent mais surtout inondée d’espoir et de lumière. Un jour tu iras là-bas et tu poseras tes mains sur le sol craquelé. Tu sentiras la chaleur, tu regarderas en face le regard blessé des habitants dont on a volé le passé. Ces ombres fièrement campées qui survivent en luttant, les coudes serrés et le sourire au lèvre.

 

En attendant tu continues à t’éloigner de ta vie. Personne ne sait où tu vas. Tu ne seras pas difficile à trouver pour les intimes. Les arbres défilent et tu commences à formuler de timides futurs. Tes besoins sont modestes, il te faudra un emploi, à temps partiel cela suffira peut-être, et une chambre quelque part. 

 

C’est un début, un départ. Un endroit pour te reconstruire, pour te retrouver, pour respirer enfin.

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