
De la neige sur le pare-brise
26 décembre 2009La mairie est une jolie bâtisse classées aux monuments historique et nichée dos à la Marne. Elle bénéficie d’un petit parc avec des pigeonniers et une école. Une école classé également, qui accueille 243 enfants de trois à cinq ans.
L’endroit est calme, les arbres dénudés agitent leurs branches au vent et seuls les cris des enfants pendant la récréation percent le froid jusqu’à vous.
Il a neigé aujourd’hui et hier.
Vous êtes dans votre voiture. Vous dormez. Parmi la multitudes d’affaires entassées contre les vitres, il reste de la place pour vous sur le siège conducteur. Vous êtes emmitouflé dans un manteau en laine et vous dormez. Votre visage est paisible, penché sur votre poitrine, votre visage ressemble à celui des grand-pères qui emmènent leur petits enfants à l’école, en face, à 50 mètres, de l’autre côté de la pelouse.
Il y a de la neige sur votre pare-brise, il faut se pencher près pour vérifier que vous respirez toujours, en demandant à son enfant de se taire, on ne veut surtout pas vous réveiller, on ne veut pas vous déranger, on veut surtout ne pas être vu.
Votre voiture, la mairie, l’école. Un triangle équilatéral de 70 pas que les mamans inquiètes franchissent chaque année. Cela fait un peu bourgeois, cela fait un peu snob, cela veut faire social, mais c’est surtout inquiet.
– Il y a un homme qui dort dans sa voiture, sur le parking. (On ne parle pas de l’école, on ne parle pas des enfants). Le pauvre, il fait si froid, et en plus il neige! Il serait mieux au chaud non? (Dans un foyer, dans un autre endroit, ailleurs. Pas sur notre parking, pas dans notre ville…).
Les employés de la mairie ont l’habitude.
– Cela fait trois ans qu’il vient ici en hiver. On ne sait pas comment il s’appelle, il donne des fausses identités. Le Samu Social est venu mais il ne veut pas en entendre parler.
– Oh, je vois…
– Il est gentil vous savez, et il travaille.
C’est vrai. Tous les soirs, votre voiture s’en va. A la même heure, avec constance. Elle revient le lendemain, cette vieille voiture verte foncée dans le genre des R19 dans lesquelles on a fait ses premiers créneaux.
Tous les matins, vous dormez, le visage penché sur votre poitrine, vos mains calleuses croisées sur vos genoux. Il gèle, il neige, vous êtes là les yeux fermés, isolé des enfants et des parents à l’heure pour l’école.
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Vous n’étiez pas là ce 25 décembre. Nous vous avons cherché. Un peu mal à l’aise, ne voulant pas vous déranger tout ayant mal au coeur à l’idée de vous savoir seul dans votre voiture.
Vous n’étiez pas là. Nous vous avons souhaité une place au chaud quelque part et nous sommes reparti, coupables d’être soulagés par votre absence.
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