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Café

14 janvier 2011

Quelques heures plus tard, vous êtes tous les trois dans un café en bordure du parc Monceau. Belou est assise près de la vitre côté rue et fait semblant de regarder les passants. En réalité, elle s'admire, se coiffe et se recoiffe dans son reflet tout en glissant parfois un regard vers vous.

Belou a bien couru et joué sur les toboggans désaffectés pour ce premier jour de l'année. Elle vous a laissé la suivre, attentive à ne pas vous perdre mais savourant aussi chaque instant de vent dans ce parc qui aujourd'hui lui appartient. Ses joues sont roses, elle a l'air vive et en forme. Sa natte est défaite et elle s'amuse à passer ses cheveux blonds d'un côté puis de l'autre en penchant la tête. Tu la regardes fièrement, avec amour, heureuse de ce souffle si fort en elle… Il y a trois semaines tu craignais pour sa vie, et aujourd'hui elle te traîne avec "l'étranger-Jacques" dans une journée imprévue.

Ce premier janvier devait être calme comme une journée d'hiver dans un cocon. Ce mal de tête lancinant – punition des abus de la veille, ce trou dans ta mémoire, cet homme en face de toi dont tu ne te souviens pas, ces choses-là ne devaient pas être…

Cet homme qui a bien compris que tu n'avais pas le moindre souvenir de votre rencontre, et qui en parait amusé et un peu triste aussi. Il y a en lui comme le regret d'une conversation entamée que vous n'auriez pas pu finir.

"L'étranger-Jacques" est en face de Belou. Il vient de gagner un concours d'engouffrage de tartine contre elle et sirote un second café. Un silence confortable d'installe malgré ton inconfort. Belou alterne entre dehors, la vitre, son reflet et vous, Jacques fait pensivement des dessins avec sa cuillère sur sa soucoupe, ses yeux noisettes fixés sur les traits fin et marrons qu'il entrelace et tu croises et décroises tes mains avant de les poser à plat sur la table pour qu'elles arrêtent de bouger. Le café est calme, il est presque à vous lui aussi.

– Je vais vous raccompagner.

Il se lève, son expression cachée par une mèche blonde, va régler et vous tient la porte.

Vous marchez d'un même pas jusqu'à chez toi. Le trajet dure vingt minutes jusqu'à la rue Jouffroy à travers les rues bordées de pierre de tailles. Vingt minutes pendant lesquelles Belou tient ta main et avance en pas chassés, et hop, hop, hop, se raccrochant à toi lorsqu'elle trébuche et arborant un air ravi. Pour elle tout est simple, c'est une belle journée.

Arrivée en bas de l'immeuble, il s'arrête, fouille dans sa poche et te tend ton téléphone.

– Je me suis enregistré dans le répertoire.

Il se penche, embrasse Belou, hésite, te sourit puis fait volte-face et part d'un pas tranquille.

– Maman, ze peux prendre un bain moussant?

– On ne zozotte pas Belou…

Et hop, hop, hop, tu entres dans l'immeuble accompagnée d'une Belou bondissante et prête à avaler une soupe et un tube de doliprane. Prête, surtout, à écouter ce que Belou voudra bien partager avec toi de sa semaine chez son père.

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