
Journée grise
25 mars 2019Aujourd’hui rien ne va, la connectique, les collègues, le menu à la cantine. Le soleil brille trop fort, la clim est glaciale, le boss a des questions pénibles et une tâche de sauce sur sa cravate que personne n’ose évoquer. Les doigts passent encore et encore dans les cheveux, les ongles grattent l’ennui et pleurent de pellicules. Les pieds s’agitent et les tons montent, les portent claquent : la journée oscille entre tâches planifiées et urgences, la migraine pointe. Lorsque la lumière rampe enfin vers l’ébauche de la nuit, dans les heures grises et hésitantes, la relâche arrive, enfin, le dos se dénoue, le cou craque en un soupir résigné. Il y a les semaines à tenir, les engagements à respecter, les siens et ceux des autres, le reste à ne pas penser, cette barrière grise dans ton agenda des protocoles à venir, de la fatigue de devoir mourir pour revivre, tu avais négligé ta mortalité, à force d’entendre qu’on va mourir, c’est comme Pierre et le Loup, on oublie. Tu regardes tes collègues partir un à un et tu songes à ton absence non annoncée encore, avec une date de retour évoquée mais non confirmée. Il faut avancer malgré l’agacement et la peur, si tu te donnes le choix tu crains de tomber tel un cheval écroulé au bord d’un chemin, c’est comme au tennis, point par point, pas à pas, arriver jusqu’à l’échéance grise, déjà, puis la vaincre. Car il n’y a, si tu y penses, pas d’autre issue possible qu’atteindre la lumière après l’épreuve, de revenir ayant vaincu la mort, malgré l’épuisement et les traits courbés… tu imagines tout sauf qu’être ne soit plus.
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