Ses mains s’envolent. Comme deux ailes qui s’élancent hors du temps, hors d’elle, loin de son corps – elle se regarderait de loin qu’elle y verrait une certaine grâce fragile similaire à celle d’un oiseau, la légèreté d’une danse, la douceur d’un foulard en soie posé sur les yeux d’une amante consentante, pied nue et frissonnant en attente de l’à venir – elle se regarderait de loin qu’elle ne verrait pas la surprise sur son visage, une sorte d’effroi tapi au fond du regard, les traits impassibles tandis que le cœur s’emballe, elle se cache et pourtant un rien la trahie car après tout ses mains volent.
Le soir, elle relit les Fleurs du Mal et alterne avec Les Diaboliques et Les Amours Jaunes. Ses heures sombres ont disparu, effacées par la lumière d’un présent apaisant, sans qu’elle ne parvienne à se détacher du Décadandisme, du vertige d’un abîme dont il lui fallu des années pour s’échapper. Mordillant un ongle, tendant ses doigts vers une tisane sage et bienfaisante, l’obscur en elle a disparu hormis dans ses lectures.
Elle marche, elle traverse sa vie, lumineuse et sereine, il lui semble parfois s’être dédoublée, détachée, avoir du tuer son autre pour pouvoir exister, être, survivre. Il ne faut pas trop y penser, hier, c’était loin, mieux vaut songer à demain.
Parfois, elle trébuche et ses mains, ses bras, ses ailes volent, grandes ouvertes, elles se déploient et la maintiennent.