Posts Tagged ‘nostalgie’

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Cachette

10 mars 2019

– Chut!

Les deux complices essaient d’arrêter de pouffer dans le long couloir du vestibule. 

Elle a fait un tour aux cuisines et lui à la cave, ils serrent leur butin contre eux dans l’obscurité de la nuit naissante.

Comme autrefois ils empruntent le passage sur le côté, longent un pan de bâtisse avant de se trouver devant ce qui devrait être l’entrée. Un grand et haut bosquet formant un ovale et entouré d’une haie de cyprès. Tout en face, de l’autre côté, la même création marque l’angle de la maison.

Cependant, ils ont toujours délaissé de second bosquet, préférant celui-ci plus ensoleillée en journée.

Elle pose son panier, passe devant et cherche à tâtons entre deux troncs, grinçant et soupirant des dents avant de trouver. Ses bras écartent les branches et elle se faufile à l’intérieur du bosquet.

Trois ans…

La dernière fois qu’ils se sont ainsi cachés, ils avaient quatorze ans. C’était leur rituel quotidien pendant les vacances,  dès que les adultes devenaient trop sérieux ou qu’une corvée de vaisselle les attendaient, ils partaient en douce et filoutaient le temps. Aujourd’hui il se sent ému et heureux de retrouver sa complice… devant ses yeux pétillants  et ses long cheveux noirs, il est un peu intimidé, assez troublé. 

– Alors, tu viens?

Il rit à son tour et obtempère.

En furetant au sol, ils retrouvent les grosses pierres qui leurs servaient de siège. Ils enlèvent la mousse et les regroupent, s’asseyent et sortent les victuailles. Lui une bouteille de vin rouge et un tire bouchon, elle deux verres, une miche de pain, du Cantal et un couteau. Ils trinquent, dégustent, et se sourient. 

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« La Compa » (Le Churchill)

20 septembre 2011
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C'était un jeu entre eux autrefois.

Leurs points de rendez-vous étaient codés, seuls les membres du groupe pouvaient comprendre. Ils se donnaient rendez-vous "Place Pereire" et non Place de Maréchal Juin, et allaient boire un verre au "St James", autrement connu comme le James Joyce, ou encore au "Churchill", campé devant l'arc de Triomphe sous l'enseigne du Sir Winston. Seuls Le Saint-Cyr et le Parc Monceau avaient droit à leurs appellations propres. Le parc abritait des promenades confidences limitées au duo, trios ou quatuors, de préférence par temps gris ou encore le dimanche, à l'ouverture, pour éviter la cohue.

Il leur arrivait parfois de donner rendez-vous à des amis étrangers à leur groupe, qu'ils perdaient par fausse inadvertance dans Paris avec leurs lieux inexistants. Les garçons en jouaient en semant des filles trop pressantes, et les filles en riaient alors que leurs prétendants dépités n'arrivaient jamais au rendez-vous. Ils partaient à Lyon avec une carte de Paris et retrouvaient malgré tout le quartier Latin, où encore s'évadaient à Lourdes ou à vélo sur les routes de France avec un simple sac et une boussole.

Ils, c'était nous.

Nous étions nombreux et peu à la fois, plusieurs noyaux coexistant, soeurs, cousins et amis d'enfances, ceux de Chaptal, Carnot ou de St Ursule, ou encore les "expatriés" de Levallois.

Parfois, les garçons se retrouvaient autour de Top Gun et recréaient la bande son tandis que les filles préféraient fumer des cigarettes sur le toit en rêvant études et vacances. Le monde était à nous et nous le refaisions des nuits entières dans des canapés affaissés aux relents de "cervelle", Gin-Baileys-grenadine (jamais plus!), sous lesquels la télécommande s'était égarée, ou encore à trois heures du matin, assis au milieu d'une rue pavée, sous les éclairages publics et dans l'inconscience des voitures tardives.

Sympathisants de droite et de gauche se déchiraient autour de la direction des taux d'intérêt et de l'utilisation des budgets publics mais le conflit au Moyen-Orient était résolu, sauf avec un récalcitrant bien sûr et il fallu un jour convenir d'honnir le sujet. Nous lisions le Monde et le Figaro et regardions les nouvelles du vingt-heure. Nous construisions des châteaux tout en donnant du whiskey aux poissons rouges, "pour voir", nous tombions amoureux dans des overdoses de nuits blanches et de café en cherchant des citations intelligentes pour retranscrire nos émois.

Le bac approchait, les préparations et séparations à venir aussi. Certains se marièrent, certains se brouillèrent, le groupe s'est dissous avec le temps mais les noyaux sont restés, et aujourd'hui grâce à Facebook ou Foursquare, d'autres liens réapparaissent en douceur nostalgique.

En ce moment, je passe beaucoup devant le Churchill, et je savoure les chemins du Parc Monceau aussi, avec à chaque fois une pensée immense vers vous tous : à bientôt… (autour d'un drink

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