
Le Noël de Belou 1
25 décembre 2010La messe de minuit était belle hier, Belou s'est tenue comme un image, une Belou emmitouflée et surveillée de près, mais tu étais distraite, tu n'as pas vraiment regardé ni écouté. Vous pratiquez rarement et Belou n'est pas la première à vous traîner à l'église. Hier tu étais ailleurs, tu étais déjà à aujourd'hui, à maintenant.
Belou n'est sortie que jeudi 23 de l'hôpital, les médecins ayant préféré la garder 24h de plus. Vous avez à peine eu le temps de faire quelques courses, de humer les odeurs de chocolat chaud et de noisettes grillées en flânant sous la neige devant les vitrines des magasins. Tu couvres tant Belou d'écharpes et de gants et de chaussettes et d'après-ski qu'elle se plaint que la fièvre va la reprendre… Maman, j'ai trop chaud…
Fatiguée par sa convalescence et la messe de la veille, elle s'est levée tard ce matin, ta petite princesse aux pieds nus, encore à moitié endormie mais voulant absolument vérifier que la magie avait fonctionné, qu'il y avait une pile de cadeaux sous ses souliers. Elle les avait entourés de panneaux attentionnés mentionnant les noms de ses invités. Des petits papiers pliés sur lesquels elle avait recopié avec application tes modèles d'écriture, afin que les adultes qu'elle aime ne soient pas oublié par "le petit-Jésus-qui-envoie-le-Père-Noël-dans-la-cheminée-parce-qu'il-ne-peut-pas-être-partout" (et en plus, rajoute Belou avec une implacable logique, c'est un bébé maman, il ne peut pas porter de cadeaux ni conduire un traîneau…)
Une grande conspiration d'amour s'est organisée autour de ce Noël "ordinaire" si extraordinaire… Mamilou et Papilou ont un double de tes clés. Un lien particulier te lie à eux depuis la naissance de Belou, ils sont présents dans sa vie et la tienne et tu oublies parfois qu'ils sont les parents de Damien.
Avec Damien, ils ont laissé leurs sacs remplis de merveille en catimini dans ta cave sans avoir à te déranger. Tu avais rendez-vous avec ton père et ta mère tôt ce matin. Ensemble, vous avez monté les cadeaux de la cave en y ajoutant ceux qu'ils avaient entassés dans leur coffre.
Lorsque Belou se lève, un amoncellement de boîtes et de paquets enchevêtré de bolduc s'étend derrière ses souliers. Ses souhaits ont été respectés, les petits panneaux sont également accompagnés de cadeau. Emerveillée, elle s'assoie et boit des yeux ce spectacle, respectant ta consigne de ne rien toucher. Tu as été claires, tes mots sont irrévocables, elle n'a le droit de rien toucher tant que tout le monde n'est pas là… et tant qu'on n'est pas sortis de table, as-tu ajouté d'un ton tranchant. Tu sais qu'il s'agit là de ta vengeance, elle est inutile et basse et petite, mais c'est ainsi, tu en veux à ta fille de t'obliger à partager Noël avec son père, tu comprends son désir mais tu en es remplie de frustration et de colère et de craintes. Tu te fais figure de soldat dans une tranchée qui irait trinquer avec un ennemi le temps de la trêve des confiseurs.
Belou reste un moment devant la crèche, le sapin et les cadeaux tandis que tes parents s'affairent à préparer le repas de Noël sur un fond musical de Sinatra. Ta mère lui offre enfin un bol de chocolat chaud et une tranche de brioche. Ta fille se huche sur un tabouret sans quitter les cadeaux qu'elle contemple avec un plaisir simple rempli d'anticipation. Amusée, tranches des carottes et des concombres en brins à tremper dans des sauces. Tu t'imprègnes de la vue de ta fille qui grignote en spéculant, et tu t'obliges à de grandes respirations… les minutes passent, vos invités seront bientôt là. Vous allez entourer Belou et lui offrir le seul présent auquel elle tenait absolument. Elle va ouvrir ses cadeaux en une seule fois avec sa maman d'un côté et son papa de l'autre.
En attendant, ta gorge se serre et l'odeur de la dinde qui commence à cuire dans le four te monte à la tête et vrille ton estomac. Il n'est que 10h du matin, mais tu prendrais bien un verre de vin…
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