Posts Tagged ‘deuil’

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Mute #JesuisCharlie

22 janvier 2015

je-suis-charlieEveryday’s routine, it goes on…

Time hasn’t stopped. Nothing’s changed and yet everything is different.

It’s the same winter cold hurting your hands and preventing the blood to flow, the same people tapping their feet in the bleak morning, waiting for the train to pull up, trying to wake up, trying to figure out reality from their dreams, the same clock telling you to get up, you sleep walk through the routine, you close your eyes under the water beating down your neck, your back, your face, you stand in front of your closet trying to figure out what to wear, cursing yourself for not planning ahead, yesterday you should have thought about tomorrow. You should have known. Someone should have known.

You’re not hungry. You never are before you leave but now your stomach hurts.

Nothing seems real anymore, everything hurts, even more than usual, if you wake up the numbness will stop and it can’t, how can you go on, how can you accept the routine, the minutes, the days, how can life go on… If you wake up you will start feeling and anger will rush in, with frustration and the deafening noise of things left unsaid.

Please tell me… how to look down in my child’s innocent eyes and explain.

Something happened.

You can’t wrap up your mind around it.

Somewhere in your head, there’s a young girl screaming that this isn’t right. If someone came into your home, if someone pushed the door and walked and spread terror, what then, how would you go on… You often get angry when your kids don’t lock the door, they feel so safe and confident, probably thanks to you, they are very curious and unafraid, you and your inner barriers admire that in them. Look, all these people dead Maman, look at those mad men, why Maman, can’t they take a joke? Poor them then. The adults are so intense and weird. It’s a pretty harsh way to disagree over a bad joke.

They bend their head solemnly; somehow they got it quicker than you.

This is what it feels like. This is what happened

Someone walked into your home and killed people you had never met, even though you knew all their names and faces, even thought you had read their work, laughed at some of their jokes and frowned over others. Some one walked over your soul and reminded you that nothing is forever, they showed you how hard it is to remain true to freedom, how much courage it takes to unabashly laugh in spite of or because of how absurd our world is.

You who won’t speak, you who knows so well how to love and embrace the present, today you can’t cry over what is nor over what will never be. You are mourning in silence, knowing things must change but not quite sure where to start.

They had so much joy and irony in them, still, they had so much to do, to draw, to speak of.

They have been robbed of a future and you feel like you have been robbed too, that something that wasn’t quite yours but that you felt you could claim as yours was ripped away.

Today’s routine is about whys an why nots, it’s about never knowing when you will be home, where exactly will people be so afraid that they will call in a bomb scare, the threat is unreal and only exists in themselves, to you everyone is a potential companion whether is be for 5 minutes or a lifetime, today is about trains going backwards and people trapped and scared, today is about walking endless hallways and finding a way home… and when you forget your phone, you are truly even more peacefully alone than usual.

Life will go on. People will heal, they will forget, blindness is so much more comfortable. There will only be a few, like you, waking up in the middle of the night to wonder and cry for the lost ones and the darkness in the ennemy’s souls, for, so you think, they must have endured hell on earth to hate so much that the only answer would be to walk into someone else’s home, cross the sacred threshold and shed blood. There is no redemption, there is no going back and you have no answer and so, in your own innocent loneliness, all you can do is walk the hallways in the cold and find your way home to hold your children.

And when you arrive, they will look at you and say:

– They are not lost, they are dicks.

And they will be right.

 

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Battement d’une larme au sein d’un coeur fêlé

18 décembre 2014

Il faut recommencer, réapprendre, les doigts qui se délient, les espoirs qui renaissent, le corps secoué par la mort et réveillé à nouveau vers la vie, réconcilié de sa souffrance quotidienne tandis que l’oxygène se fraye en force des étranglements quotidiens et explose les poumons, le cœur, les cernes, l’âme déployée en attente d’infini, il faut oser, croire, avancer, se libérer de ses propres barrières et donc oser croire, surtout, en soi, en l’impossible, en la force de la lumière sortant de l’ombre, en la possibilité d’un lendemain ; il faut fouette cocher, il faut serrer le mors et s’élancer, s’autoriser des pas en étourdissements et en étonnements d’être encore là, ici, le chemin existe toujours devant, le brouillard des jours, des mois et des années se perce enfin des rayons chauds d’un astre bienveillant et immense, alors que les larmes des disparus n’ont pas encore séché et que la terre fraîche reste à creuser ; il faut se souvenir gravement et tendrement des jours passés, des pas côtes à côtes le long de la rive, entourés de bleu et de vent humide – chérir ce qui fut et ne pourrait être – il faut croire qu’on peut oser s’élancer et s’autoriser un bonheur en peine des absents avec au cœur un feu brûlant de les avoir connus, cette sagesse solennelle caressée d’une brise en sourire léger de savoir que sans eux nous ne serions qu’une ombre, qu’ils nous ont révélé à la lumière, nous ont donné chair et résonance, nous ont positivement marqué au fer au point que chaque palpitation manque de défaillir en vertige de leur départ et que nos mains se rattrapent et nous raccrochent au présent sans parvenir à combler les manques…

Tournoie autour de nous la joie permanente dont ils ont imprégné nos êtres, même s’ils nous ont quittés et que leurs noms résonnent au dessus des vagues d’une mer constante et imprévisible : quel que soit leur nom, quel que soit leur âge, quel que soit le temps dont ils ont fait grâce à la terre, quel que soit l’apaisement ou la violence de leur arrachement, nos cœurs sont des rescapés, des survivants, agenouillés et en faille sur le sable salé, debout face à une falaise hurlante à invoquer le ciel, chaque respiration dépouillée de leur présence, de la certitude qu’il existe une cohérence, une raison, chaque apport d’oxygène nous rappelle à l’humilité face à l’Immense et nous enveloppe du sentiment béni d’avoir frôlé l’indicible et d‘avoir été aussi entièrement Aimé.

Il n’y a pas de mots, il n’y a pas d’explication, les mesures de la faille en nous n’a pas d’importance, nous avons été aimé, et cet amour ne saurait disparaître quelles que soient les circonstances.

Nous avons le droit de pleurer, d’être en colère et de ne vouloir tolérer les règles d’un jeu pipé à l’issue inéluctable – nous sommes dans l’arène particulière de notre propre Hunger Game, chaque seconde éloigne notre curseur du début pour le rapprocher de la fin et nous ne connaissons pas la distance à parcourir… et pourtant, et pourtant, nous continuons, nous vivons, nous aimons, chaque battement de cœur est souffrance et rappel, chaque regard ou sourire en célébration d’un instant arrêté, d’un chant éblouissant apaisant nos blessures, glissant le long de nos cicatrices pour soutenir les jours à venir car il faut recommencer, il faut s’élancer librement vers l’espoir de la vie, forts d’une armée de souvenirs bardés d’amour et de lumière, il faut oser vouloir tout, maintenant, avant que la marée ne remue le sable et n’efface tout.

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Alice

2 juin 2011

Je n’ai pas eu peur lorsque papa est parti. Je savais qu’il nous reviendrait, et que s’il avait besoin de ce temps hors du deuil de sa femme, ce n’était pas nous qu’il quittait. Je savais que je ne perdrais jamais mon père, il était dépourvu de cette fragilité en vertige de maman. S’il se mêlait rarement de notre « éducation », il savait adoucir certaines restrictions d’un regard, d’une ébourrifade dans les cheveux, voire parfois d’un contournement manifeste des décisions de maman.

Au fil des mois, alors qu’ils pleuraient tous les deux en absence l’un de l’autre, l’oxygène et la vie s’est retirée de notre maison à un point tel que Matthieu et moi avons rejoint leurs silences. Alors que Matthieu a continué à s’imaginer chevalier et guerrier, ses gestes ont perdu en amplitude. Ses voitures roulaient toujours dans sa chambre, ses rêves se cognaient déjà contre les quatre murs de son domaine, mais ce porte fermée et sans que rien ne perce vers l’extérieur. Nous avions isolé Matthieu de nos souffrances, et il s’est de lui même coupé de nos névroses pour survivre et s’accomplir hors de nous.

S’il n’avait pas été marqué par la dépression de maman, le départ de papa a créé une faille en lui. Lorsqu’il venait nous chercher le vendredi soir ou le samedi matin, il le guettait du balcon pour ne rien rater de son apparition. Dès l’ombre de son couvre chef décelée, il buvait des yeux la progression de papa jusqu’au portail de l’immeuble, puis s’élançait vers la porte du palier qu’il faisait voler grande ouverte, accroupi contre les barreaux des escaliers, il attendait. Il ne descendait jamais, il restait à regarder son père progresser vers lui comme si chaque pas était une réassurance, une preuve que son père l’aimait et faisait le chemin jusqu’à lui, jusqu’à ce qu’enfin il puisse s’accrocher à ses jambes et le serrer aussi fort que possible.

Maman disparaissait dans sa chambre, la débandade de fenêtres et de porte d’entrée était pour elle un signal. Nous ne la voyions pas avant de partir, et lorsque papa nous rédéposait dimanche, elle attendait son départ avant de venir nous accueillir.

Lorsque papa est parti, nous sommes resté seuls faces aux absences de notre mère. Nous ne manquions de rien matériellement, maman se souvenait parfois du minimum et le cercle bienveillant qui s’était créé autour de nous veillait au reste.

J’ai moi-même appris à faire nos sacs pour nos weekends et à faire les menues courses dont nous pouvions avoir besoin. Acheter du pain pour le petit déjeuner, quelques fruits et légumes pour le quotidiens, devinrent des actes habituels et tû. Ainsi nous pouvions continuer. Ainsi je pouvais attendre que papa revienne vivre chez nous, je n’ai jamais douté de son retour, ainsi je pouvais attendre que maman revienne parmi nous, il m’a fallu des années pour me guérir de l’angoisse de sa tristesse et de la culpabilité de ne pas avoir été suffisante à combler sa douleur, ainsi je pouvais offrir à Matthieu une enfance plus apaisée que la mienne même si particulière, ce qui lui permettrait de grandir avec des moindres failles.

Je n’avais personne, moi, pour me tenir la main et essuyer les larmes qui coulaient le soir et ne s’arrêtaient qu’avec le sommeil. (pardon si ce texte est trop noir, il s’insère dans un ensemble que j’espère plus lumineux. En tout cas j’y travaill – aujourd’hui de ma voiture sur un petit téléphone…)

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Tu respires ta peine (tu respires à peine)

16 mai 2011

Floc floc floc… Les gouttes perlent sur la peinture satinée. Des cloques se sont formées qui n'éclatent pas, elles sont gonflées à bloc et reflètent la lumière jaune provenant de l'imposante lampe posée sur la déserte…

Autour des cloques, l'eau s'immisce par une faille là où la peinture s'est effritée. Elle s'éparpille en gouttelettes qui hésitent au chemin à suivre. Tendues vers le sol, elles s'aventurent timidement à la découverte du plafond, puis s'élancent en honneur à Galilée, floc floc, elles reflètent la lumière dans un fugitif éclair et s'écrasent dans la bassine prévue à cet effet.

Tu as le temps de regarder. Le plafond, les cloques, le manège. La bassine se remplit patiemment, elle est bientôt au bord. Tu imagines la personne qui va venir, l'homme à la bassine qui s'occupe à surveiller le temps et à vider l'eau. Tu imagines aussi que personne ne vienne et que cette bassine déborde en une flaque d'abord discrète et oubliable, puis en une marée persistante dont les traces marqueront les murs. Tu imagines l'eau s'introduire dans le sol qui est le plafond du voisin du dessous, le trajet de l'eau qui recommence inexorablement vers le bas de floc en floc et de flaque en flaque.

Tu es assis et tu attends. 

Aujourd'hui, tu es encore descendu à Concorde. Tu as marché vers la correspondance en bout de quai en te demandant pourquoi tu n'étais pas monté en queue, il y a eu un courant d'air et tu t'es souvenu, tu as juste eu le temps de remonter dans le métro avant que les portes ne se ferment sur ton visage livide. Ton corps tremblant t'as lâché sur un siège, tu t'es retrouvé comme une de ces gouttes, en vertige, sans savoir que faire. Tu as continué jusqu'à Châtelet en reprenant ta respiration, doucement, encore un trajet, encore une journée, il faut continuer jusqu'à demain et le jour d'après et ainsi de suite, de stations en stations, de tremblements en respiration, il faut faire le chemin, porter son deuil, sa peine, continuer à regarder la lumière et à s'émerveiller pour elle, par elle, vers elle malgré son absence, malgré l'air qu'elle a emporté avec elle, malgré les larmes qui coulent en toi comme ces gouttes du plafond et qui à force créent une rivière salée de douce amertume. Un jour tu retourneras en Bretagne et face à la mer tu libéreras cette eau, tu ramasseras les coquillages qu'elle aimait, tu oseras sourire et être heureux en son absence.

Mais pour l'instant il faut t'y faire. Il n'y aura plus de détours, il n'y aura plus de chemins ensemble. Sa présence en toi est si forte encore, elle réside dans chaque parcelle de lumière glissant jusqu'à toi, son rire te vient des fontaines et son parfum se mêle à celui des fleurs du balcon. Tous les jours tu oublies et tu descends à Concorde. Tous les jours, à la même heure, les jambes te manquent. Tu aimais tant ce rituel du soir, tu passais la prendre, c'était un si petit détour, elle sortait en riant du bureau, ses doigts se mêlaient aux tiens et vous faisiez le trajet ensemble jusqu'à chez vous.

Tu ne sais comment avancer, pourtant il le faut. Tu as promis sans réfléchir, elle t'a regardé avec ses grands yeux et t'a demandé de promettre et maintenant il faut continuer.

Tu es assis dans une salle d'attente, tu respires ta peine et tu patientes. Tu tends ton visage vers les cloques au plafond, tu espères qu'elles éclatent et lancent leur eau sur ton visage sec, comme une explosion de larmes mêlées de plâtre, qui pleureraient à ta place.

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Peinture

14 novembre 2010

Tu es assis par terre. Le jour se lève difficilement, une sorte de mélange gris orangé au travers duquel les rayons du soleil peinent à  se frayer un chemin. Tu es démuni face à un pot de peinture verte. Ton jean est un peu trop chic, tes mains fines et éduquées se battent avec le couvercle alors que tes lunettes tombent régulièrement le long de ton nez. 

Cela ne devait pas être. Tu trembles légèrement, tu essayes de ne pas penser, d’oublier l’impossible. Le vert indiqué sur l’étiquette te rappelle la couleur des bancs publics. Tu es adossé au muret, l’énorme boîte calée entre tes basquets de citadin. Les pierres montent à cinquante centimètres, puis se dresse la palissade en bois ancrée dans le ciment. Un entrelac usé et poncé qu’il va falloir peindre. 

Ton père avait vu large. Il y a assez pour au moins deux couches, sans parler des pinceaux qui jonchent le trottoir à côté de toi dans toutes les tailles et compositions. Comme s’il savait qu’il ne peindrait pas le tour de sa maison et que cette tâche te reviendrait. Comme une admission qu’il était incapable de deviner quel type de pinceau te conviendrait, quel genre d’homme tu es devenu.

Tu n’as pas envie d’être ici. Dehors, frissonnant dans la brise du matin. Tu ne souhaites pas être là où tu es, pourtant entrer dans la maison de tes parents t’est aussi impossible que rentrer chez toi serait impensable. 

La clé de ta boîte aux lettres se bat contre le couvercle en fer, tu sais qu’il te faudrait un tourne-vis, tu vois exactement où est la boîte à outil dans le garage, mais ton corps reste en place alors que tu refoules.

Tes larmes, ta peine, ta frustration, la colère de l’impuissance. 

Tu as trente-cinq ans, tu es fils unique, et dans une chambre là-bas, juste derrière toi, une femme est agenouillée près d’un homme dormant dont elle tient la main. C’est sans doute un portrait touchant, ta mère auprès de son compagnon de vie, jusqu’au bout, jusqu’à la fin, une petite mère qui accompagne chaque respiration sifflante, chaque seconde d’agonie, qui est là et qui aime encore ce corps inconscient, cette âme imparfaite, buveuse et infidèle qui est restée avec elle malgré tout et c’est ce qu’elle retiendra, qu’il est resté. Malgré les enfants qui ne sont pas venu après toi, malgré son apparence menue et ordinaire bien incapable de se battre contre des filles plus jeunes, plus rieuse et joueuses, des filles insouciantes qui pouvaient le distraire sans la contrainte du quotidien. Tu as fui cette vie le plus tôt possible, juste après le bac, pour y revenir le moins possible. Ton quotidien dans le marais est stable et heureux, tu ne donneras jamais à ta mère les petits enfants qu’elle aurait aimé chérir et elle ne saura jamais réellement pourquoi. La réalité de ta vie t’appartient, tu l’assumes pleinement et sans revendication, c’est ainsi, mais tu connais également les limites de ceux qui t’ont donné la vie, et par délicatesse, par amour peut-être aussi, tu n’as simplement jamais abordé certains sujets.

Tu ne pouvais pas rester à l’intérieur. Dans cette maison qui a rapetissé à mesure que tu grandissais et dont le papier peint n’a pas changé en quarante ans. Il fut fort bien posé à l’origine, certe, mais il souffre aujourd’hui de tâches d’humidité, de décollements discrets dans les angles, et surtout d’un arrière gardisme ethétique qui en fait quasiment un vintage rétro chic.

Tu es sorti sans bruit ce matin, le ventre à sec mais la tête pleine et en quête de vide. Tes mains arrêtent de se battre et se posent à plat sur le pot de peinture, alors que ton visage se tourne vers le ciel naissant, un soupir se libère enfin de ta poitrine, tu inspires doucement en comptant les secondes, tu bloques, et tu lâches lentement. 

Dans le coin de ton oeil, un géant s’avance vers toi. Son ombre s’étire alors que les nuages libèrent enfin le ciel.

T’as une cuillère dans l’poche fiston, ce s’rait plus facile pour ouvrir c’te pot d’peinture. Tu la coinces bien dans l’fente et t’uses du cont’poids

Il rit de sa voix sonore et grasse que des années sur les marchés à vendre du fromage ont parfois un peu cassée.

T’as jamais été doué pour l’bricolage… pourtant va falloir y donner un coup d’neuf à c’te palissade… La maison va êt’ trop grande pour ta mère. Si tu veux un bon prix, faut qu’ça brille.

Faut qu’ça brille…

L’ombre disparaît. Elle n’a jamais été là. 

Dans la maison, un cri se lève. Tes mains quittent le fer du couvercle pour ton visage et tu laisses aller ta peine. Tes chemins s’étaient éloignés des siens mais sans ton père aujourd’hui tu ne serais rien. 

Désormais plus assuré, tu parviens à faire sauter le couvercle du pot. L’odeur de la peintre te saute au nez, mais d’un geste délibéré tu choisi ton pinceau, tu « touilles la sauce », debout et la tête enfin libre, et tu te mets au travail. 

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Les petites pierres noires

21 juin 2010

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Tu restes sans bouger, assise dans ta cuisine sur deux chaises de bar – tu es affalée sur l’une et tes jambes reposent sur l’autre. En face de toi, un verre de vin rouge auquel tu n’oses pas toucher. Y poser tes lèvres en appellerait un second, et qui sait combien d’autres ensuite.

 

Cette semaine est maudite. 

 

Cette semaine est composée de petites pierres noires et rondes, brillantes et lisses et dures, cette semaine est composée de jours sombres, de larmes et de deuil. A chaque jour son visage. A chaque jour sa femme, son cancer. Il y a quelques hommes aussi, qui t’ont quittés accidentellement, sans prévenir. Au détour d’une route, d’un fossé, d’un refus de vivre plus longtemps. 

 

Mais ce sont surtout des femmes. 

 

Tu te souviens de chacune d’elles différemment. Les images te reviennent en force, de leur corps vibrant de vie, d’action, leurs coeurs en mouvement, leurs regards brillants et aimants. Tu te souviens d’elles aussi plus tard, vers la fin, lorsque leurs visages se sont creusés, lorsque leurs gestes ont ralentit, leurs pas de plus en plus légers et douloureux au rythme de leur perte de poids, au rythme de leur perte d’espoir. Leurs traits se sont fait plus lumineux, irradiant leur calvaire d’une lumière vacillante, une lumière aussi crue que douce qu’elles extrayaient tant bien que mal de leur agonie, vous offrant ces dernières images d’elles, en vie, marchant parmi vous encore, marchant vers une fin qu’elles avaient accepté, mais souhaitant vous préserver encore.

 

Jusqu’au dernier moment elles vous ont préservés.

 

Elles sont parties. Aujourd’hui.

 

Tu restes face à ton verre. Un mercurey. Tu attends. Les jours qui précèdent cette semaine déjà, tu attends, espérant comme chaque année qu’aucune nouvelle pierre ne viendra s’ajouter aux autres. Nous amoncelons en nous ces petites pierres noires, nous les érigeons en murs derrière lesquels nous nous perdons pour pleurer. Nous créons nos propres murailles, nos forteresses, nos prisons. Nous enfouissons nos deuils et nos larmes, refusant de les laisser éclater à la surface, devant le regard des autres, et au fil du temps, les nôtres deviennent plus tristes, nos sourires moins francs et nos gestes plus lourds. 

 

Tu refuses cela, toi. Tu veux vivre pleinement, tu veux crier et pleurer et rire et hurler de joie comme de douleur. Tu veux pouvoir te perdre dans le vent, sur une plage, et laisser exploser tes secrets et sentiments les plus intimes. 

 

Plus tard peut-être. Ce soir tu attends les larmes qui se refusent à toi. Tu attends ce sel sur tes joues avant de pouvoir, enfin, lever ton verre aux disparues, leur sourire, et boire à leur souvenir. 

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’till death does us part / anglais

25 juin 2009

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We all have a different relation-ship with death. 

There are those who simply block the notion out of their minds, who stand still and fear it. Those in pain, whether physical or in other forms, who seek it desperately, awaiting or even provoking it. Some who defy it, or ignore it out of self confidence. Others who rush through life in a vain try to outrun it, knowing it, fearing it, trying to postpone it’s grasp as long as they can. And the wiser ones who accept it almost as a companion they will join one day, tranquilly accepting their fleeting existence. For we are but a flicker of light in such a vast universe.

We are all facing death, yet we all are alone facing it. Even when a close one dies, a child, family or friend, a collegue. We tend to flock, staying close to one another, sometimes touching or hugging. In silence or drinking or making bad jokes « in memory of ». The Irish got that part right.  

Anything to avoid loneliness. 

And so we share our solitary mourning. Grieving the loss, and also remembering that we too will go one day. That we will leave this life behind and the people we had filled it with.

I’ve met death three times, in a very short time span, and somehow managed to convince it that now was not the time. Dying was simply out of the question (even when I actually thought I was dead. But then, my head was cracked open so I obviously couldn’t think straight). My only option was life, a life in pain but still a life, and the pain reminds me that I am still there and how lucky I am, really. Now that I have children thought, I probably would be more afraid, not for me, but for them. Even if I like to believe that they would be strong enough, that they would have been loved enough to stand up and survive and walk their own path.

This last week of June is filled with black stones for me. Not one day passes that I do not have to mourn someone. A Grand-Father, Grand-Uncle, an Aunt, a Friend. Some whom I knew from a distance, and others who had a significant impact in my life.
Most of them died of cancer, very young, or too young anyway for I wasn’t ready to let them go. 

I had planned to blog in French on Saturday, for it’s a significant date for me and the day always holds both very sad and very happy memories. And I think I shall blog for her and celebrate who she was and what she brought in my life on that day, as planned.

Someone died, someone passed away last night. Someone I worked with, or rather worked for. Whom I saw struggle with pain, a pain she first thought she could hide until she couldn’t. Whom we all saw fight like a lion against the monster that is cancer. Who won battles, one after the other, while still giving strength and expecting the best from us at all times. Because being unrelenting was the best compliment she could give us. Because keeping our minds off her illness was her way of protecting us as long as she could. She kept on going and on fighting until there was nothing but pain, until her body couldn’t go on even thought her mind could. 

So today, we flocked. We cried, we hugged. We stayed in silence, and then we went back to work. Because that’s how she raised us really, though she was probably more a teacher than a mother to her team.
And tonight, I blog. I blog in English and that probably would have caused her to give me proper scolding in her brusque graveling voice, but in a way, because we were more alike than different, I think that’s OK. (I deal with emotions best in English.)

Tonight I’ll drink a glass of the Mercurey red wine we should have drank together, and toast her name. I’ll remember the twinkle she had in her brown chestnut eyes, and her real frank smile. 

The purple pansies come from a Fondation d’Auteuil horticulture school in Sannois, France (95).