Archive for the ‘description’ Category

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Matin gris en éclair de couleur

14 mars 2019

La fatigue dans les jambes tu t’installes parmi les autres, comme dans une boîte à sardine sur ton siège. Comme tous les jours le train s’enbranle et personne ne parle, ne se regarde, dans un accord tacite vous vous entourez d’invisible. Les têtes dodelinent, il est si tôt encore avant d’arriver à Paris.

Il n’y a, pour élever la voix, que les rejetés du systèmes, à part, qui vous fixent et refusent le silence. Leurs éclats de voix percent les conventions sociales, ils jurent et postillonnent, s’exclament dans l’indifférence, ils vocifèrent leurs vérités, passent et partent.

Leur éclair de couleur s’efface et le gris revient. Dans ton cœur, un merle chante.

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La ligne entre

13 mars 2019

Quand la pluie s’arrête enfin, la vie se fige, surprise, le silence s’installe en retenue de souffle et en accueil de la nuit.

Tu ouvres toutes les fenêtres, les lumières allumées s’épanchent vers le jardin qui exalte de terre humide, de pétales froissées, du glissement en regrets vers le réveil.

Les gouttes en écoulement le long du métal de la grille, le vent dans les feuilles, les insectes, puis la rue s’anime à nouveau. 

Une porte claque au loin, tu inspires en restant entre. Pas tout à fait dehors, plus vraiment dedans, en équilibre sur la ligne. 

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Dis, et si?

12 mars 2019

Dis, et si ?

Et si nous quittions les sentiers embrumés par la nuit, dis, si nous franchissions les lignes à défaut de les faire bouger, prétendre que demain est possible, qu’hier était léger et inconséquent, dis, oublions les mots, les taux, les probabilités dont l’encre noire menace le vent… quelques pas de côté, ma main dans la tienne, en sourires en regards, en lumière matinale perçant les feuilles… Dis, et si, et si l’existence d’aujourd’hui n’était qu’un songe, un peu trop agité, incertain, un peu trop triste aussi, en vers de gris, en bleu trop pâle, inspirer, s’assoir, confronter, recommencer, dis, viens avec moi, dansons. Quelques pas de côtés, loin du sentier, dis-moi en silence, dis-moi oui, la vie, ce cri intérieur qui rugi, non, refus, dénis, entourés de murs, dis, et si, si je marchande avec la réalité, comment te sauver, que sacrifier. Et s’il n’y avait plus rien à dire, jusqu’où continuer à se battre, persévérer, serrer le mords et avancer, dis, et si je n’abandonnais pas, ce choix, toi, ralentir le temps, de l’ombre la lumière finira toujours par sortir, quelques soient les jours, arrêter de compter et être.

Dis, et si ?

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Révisions

11 mars 2019

Quoique droitières elles fumaient toutes les deux de la main gauche ainsi elles pouvaient tirer sur leur clope tout en faisant autre chose, écrire, tourner les pages, piocher dans un bol de fraises tagada.

A l’époque un paquet ne coûtait pas cher, 10 francs le paquet de gauloises bleues, facile de tomber dedans pendant les révisions du bac. Elles se faisaient face autour d’une table ronde, dans l’appartement de leur tante, séparée par les livres, fiches et trousses. Les deux cousines, la blonde et la brune, la matheuse et la linguiste. Deux semaines de révisions intenses pour le Bac, les journées coupés par la pause déjeuner et séries sur M6. Clopes dans une main, fiches dans une autre, elles se partageant le travail, l’une faisant réciter l’autre, l’autre expliquant à l’une.

Situé dans une petite rue calme, l’appartement inoccupé virait au jaune, au vieux, il leur fallait aérer en arrivant à cause des odeurs de cire, et en repartant pour désenfumer. Le salon fut ainsi leur refuge, seules elles auraient sans doute été moins studieuses.

Parfois il serait si simple d’y retourner, au temps où tout restait possible. Aucune porte, alors, ne leur était fermée. Elles construisaient leurs prochaines étapes dans l’insouciance et la légèreté.

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Cachette

10 mars 2019

– Chut!

Les deux complices essaient d’arrêter de pouffer dans le long couloir du vestibule. 

Elle a fait un tour aux cuisines et lui à la cave, ils serrent leur butin contre eux dans l’obscurité de la nuit naissante.

Comme autrefois ils empruntent le passage sur le côté, longent un pan de bâtisse avant de se trouver devant ce qui devrait être l’entrée. Un grand et haut bosquet formant un ovale et entouré d’une haie de cyprès. Tout en face, de l’autre côté, la même création marque l’angle de la maison.

Cependant, ils ont toujours délaissé de second bosquet, préférant celui-ci plus ensoleillée en journée.

Elle pose son panier, passe devant et cherche à tâtons entre deux troncs, grinçant et soupirant des dents avant de trouver. Ses bras écartent les branches et elle se faufile à l’intérieur du bosquet.

Trois ans…

La dernière fois qu’ils se sont ainsi cachés, ils avaient quatorze ans. C’était leur rituel quotidien pendant les vacances,  dès que les adultes devenaient trop sérieux ou qu’une corvée de vaisselle les attendaient, ils partaient en douce et filoutaient le temps. Aujourd’hui il se sent ému et heureux de retrouver sa complice… devant ses yeux pétillants  et ses long cheveux noirs, il est un peu intimidé, assez troublé. 

– Alors, tu viens?

Il rit à son tour et obtempère.

En furetant au sol, ils retrouvent les grosses pierres qui leurs servaient de siège. Ils enlèvent la mousse et les regroupent, s’asseyent et sortent les victuailles. Lui une bouteille de vin rouge et un tire bouchon, elle deux verres, une miche de pain, du Cantal et un couteau. Ils trinquent, dégustent, et se sourient. 

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Le vide entre

9 mars 2019

Les verres ont formés des ronds sur la table du bistrot. Elle tient le pied du sien et en suit le bord du doigt, en rappel de l’enfance et des symphonies qu’ils inventaient à l’heure du dîner.

Ils sont face à face, leurs main ne se touchent plus, les pieds soigneusement rangés et les yeux baissés.

Il ne leur reste plus grand chose hormi le silence. Le cliquetis de vaisselle provenant de la salle derrière eux, la radio nasillant quelques airs nostalgiques, le bruit de la pluie qui les empêche de partir et tambourine inlassablement les vitres, obscurcissant la vue vers la place, l’avenue, le métro.

Elle remarque qu’il est encore nerveux. Son indexe gratte furieusement la peau au coin de l’ongle du pouce, il fait cela quand il est en manque de cigarettes. 

Elle s’attache sur les ronds un peu poisseux, son verre de vin à peine touché. Le sien quasi vide. Il a bu de grandes lampées brusquement, comme si cela pouvait lui donner du courage « pour la suite », pour ce qu’il lui fallait dire et entendre.

Il aurait fallu que l’un d’entre eux parte tout de suite. Leur conversation est terminée mais ni l’un ni l’autre n’ose la pluie, ou ne souhaite l’imposer à l’autre.

Tout à coup la tornade s’arrête, le soleil inonde avec autant de violence qu’il était parti et tout scintille. Le trottoir, l’arrêt de bus, les voitures… cet éblouissement est insupportable. Elle se lève en bousculant sa chaise, ses pas se hâtent, vite, il faut disparaître et laisser derrière elle ce portait misérable d’une histoire mal terminée, elle en court presque, s’échappe    et enfin respire.

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Elle

8 mars 2019

Son sourire éclate en rire et s’embrase de la lumière couchante. Les bras en l’air, elle valse dans le champ d’herbe folle, en inventant des hymnes glorieux et entraînant, ses nattes défaites ont glané quelques herbes et fleurs et tu la regardes, tu la dévores silencieusement des yeux, ta fille tant aimée.

La journée s’est éloignée du temps, vous vous êtes échappée de la ville et avez roulé au hasard. Parfois tu lui demandais de choisir, tout droit, à droite ou à gauche, au grés de votre chemin, débarrassée du poids des obligations que vous retrouverez bien assez tôt. 

De zig en zag, un village, une rivière, un gîte grimpé de chèvrefeuille odorant, et hop, le retour attendra demain. Du jardin au sentier, de la forêt aux champs, vous avez marché, dansé et chanté.

Un peu fatiguée, tu t’assois tandis qu’elle continues à valser sous le rougeoiement du jour agonisant. 

Elle est belle, elle est libre ta fille. La société ne l’a pas encore enfermée, pour l’instant encore, le monde lui appartient.

Tu te perds un instant dans le vent qui porte son chant, et, toi aussi, tu souris.

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Cancer – abandon

7 mars 2019

Nous avons suivi le process. Le process a suivi son chemin.

Il a abandonné son corps à des mains capables de lui enlever son mal, scarifiant son cou, son être, ils l’ont vidé de la mort, il a du se perdre dans son ombre pour renaître, pour appendre à exister, à demander.

Chaque réveil est un rappel à la vie par la souffrance, la perception des sens agités entre ce qui n’est plus et ce qui doit revenir. 

Après ne pas avoir osé avoir besoin, repoussant la prise de médicament, oscillant entre la peur de manquer, la crainte de l’addiction, l’insupportable attente et la terrible réalité, il n’ose plus la douleur, et enfin porte sa voix.

Il est parfois possible, par l’abandon complet, de reprendre totalement le contrôle.

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Dépression – blanc

6 mars 2019

Le corps penché elle s’abîme, en recherche de souffle, d’une seconde, encore, et d’une autre, qui s’ajoutent, elle n’écrit rien pour effacer les jours : hier ou demain, tout est blanc.

En elle une déchirure qui grandit, les mots ravalés en vertiges de ce qu’ils pourraient annoncer ; parce qu’elle connaît l’issue de ce chemin qu’elle ne se résoud à quitter, elle s’oublie, courbe son âme, s’enroule autour de ses failles, de ses doutes et de ses regrets. Immobile en pensées floues, le temps la bouscule en rafales glacées et en elle la rage de ne pouvoir avancer. A la croisée des choix, de ses désirs et de ses devoirs, de sa loyauté pesante… en fatigue et lassitude de risquer à reconstruire, encore. S’affranchir de ses contraintes, oser la liberté, être dans l’impensable.

Seule, elle s’est entourée des béquilles des autres, ceux qui ne font, dont les pas forment un cercle enfermant gravé dans la pierre, ceux dont elle porte les espoirs éteints à s’en briser l’échine.

Elle respire leurs peines,  suffoque du poids de leurs ombres tissées au plus secret de leurs silences. Assourdie par le flux de leurs paroles couvrant leurs refoulements, le travail qui ne se fait pas, le pathos qui s’enfonce encore plus loin et s’accroche à leurs peurs et leurs rêves.

Elle attend, en vain elle s’attend jusqu’à ne plus savoir avancer, lucide et les yeux grands ouverts. 

Hier, aujourd’hui, demain… blanc, elle ne veut plus.

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Viens, respirons le sel et fuyons

5 novembre 2017

Viens, je t’emmène avec moi. Partons au gré des vents en insouciance du temps. Marchons près des falaises dominant les mers, respirons le sel et dansons.

Viens, partons.

Près des falaises dominant les mers, les vents inconstants jouent en tourbillons et ta voix claironne par-dessus les carillons : la ballade limpide de tes grands yeux me promène vers des sentiments malheureux, viens, rions.

Par delà les murs et les façades, une plage s’élance vers la roche léchée d’écume. Elle s’envole, s’oublie et se brise sous l’emprise des marées, naissances et tourments sans cesse renouvelés.

Les vents inconstants jouent en tourbillons, la balade limpide de tes yeux n’est pas sans rappeler celle des cieux, viens, fuyons.

L’écho tonne, tombe, se tasse et se fige en fulgurance sur les vagues noires, près des falaises dominant les mers, par delà les murs et les façades. Une plage se lance seule et sans arme, le sable englouti sous les flots des larmes. Amertumes des innocentes noyées, respirons le sel et dansons.

Viens.